
Le 17 mars 2025, le gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), le Centrafricain Yvon Sana Bangui, a signé un avis de concours pour le recrutement de 157 agents d’encadrement moyen de niveau BAC +2 ou 3, DUT, licence et équivalent, au sein de l’institut d’émission commun aux six pays de la Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad et RCA). « Ce concours s’adresse exclusivement aux ressortissants des États membres de la Cemac, âgés de 35 ans au plus à la date de candidature », souligne le gouverneur.
Yvon Sana Bangui précise, par ailleurs, que « la participation des agents de la BEAC remplissant les conditions de diplôme et présentant un dossier disciplinaire exemplaire est autorisée, sans condition d’âge ni d’ancienneté ». Les profils recherchés pour ce concours vont des agents administratifs aux informaticiens, en passant par les agents du protocole et des relations publiques, les actuaires, les agents de sécurité, les assistants en management de projets, les auditeurs et contrôleurs, les économistes-statisticiens, les gestionnaires des RH, les comptables et autres financiers, les juristes, les secrétaires de direction et autres techniciens en maintenance et passation des marchés.
«Les postulants doivent faire parvenir leur dossier de candidature complet au plus tard le 31 mars 2025 sur le site de la BEAC (www.beac.int/travailler à la BEAC). (…) Les modalités de déroulement des épreuves seront précisées dans la lettre de convocation », peut-on lire dans l’avis de concours signé le 17 mars 2025 par le gouverneur de la banque centrale des pays de la Cemac.
Cependant, il ne peut échapper aux observateurs que ce nouveau concours de recrutement est lancé dans un contexte de litige autour d’une précédente opération, portant cette fois-ci sur le recrutement des agents d’encadrement supérieur. En effet, au terme d’un avis de concours lancé en décembre 2021 par la banque centrale, 66 candidats venus des différents pays de la Cemac avaient été déclarés admis le 5 avril 2023.
Bras de fer
Cette proclamation des résultats survenait alors que, dès le 1ᵉʳaoût 2022, le président du Conseil d’administration de la BEAC, Hervé Ndoba, avait instruis le gouverneur de l’époque, le Tchadien Abbas Mahamat Tolli, « de surseoir, de manière immédiate, à ce processus de recrutement». Au prétexte que les premiers résultats (liste des candidats présélectionnés) altéraient déjà « la crédibilité » et la « fiabilité » du processus, tout en portant « indubitablement et gravement préjudice à l’image de la banque ».
« (…) Aucun organe ne saurait s’immiscer dans les attributions du gouvernement de la BEAC exercées en toute transparence et dans l’intérêt supérieur de l’institution, sans causer d’entorse aux principes de subsidiarité et de gouvernance (…), ainsi qu’au sacro-saint principe de l’indépendance de la banque centrale », avait répondu Abbas Mahamat Tolli à Hervé Ndoba, le 2 août 2022. Mais, le 6 octobre 2022, une résolution du Comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (UMAC) enjoignait non seulement le gouverneur de suspendre le processus de recrutement, mais aussi de commanditer un audit du concours. Le même jour, une autre résolution du Conseil d’administration de la BEAC, s’appuyant cette fois-ci sur les conclusions de l’enquête du comité d’audit interne de la BEAC, ordonnait la poursuite du processus.
Sur ces entrefaites, le gouverneur de la BEAC va solliciter l’avis de la Cour commune de justice de la Cemac, basée à Ndjamena, sur la légalité de la résolution de suspendre le concours de recrutement, prise le 6 octobre par le Comité ministériel de l’UMAC. Le 16 novembre 2022, la justice communautaire conforte le gouverneur de la BEAC dans sa posture visant à refuser toute ingérence du Comité ministériel de l’UMAC et du PCA de la BEAC dans une affaire relevant de la compétence exclusive du gouvernement de la banque centrale. Abbas Mahamat Tolli poursuivra alors le processus de recrutement de la 22ᵉ promotion des agents d’encadrement supérieur de la BEAC, dont les résultats définitifs seront publiés le 5 avril 2023. Avant d’être suspendus deux mois plus tard (juin 2023).
Depuis lors, les 66 candidats définitivement admis se sont constitués en collectif, et menacent de saisir la justice en cas de besoin. Arrivé à la tête du gouvernement de la BEAC dans l’intervalle, le Centrafricain Yvon Sana Bangui, qui a fait de la résolution de ce conflit une priorité, a officiellement lancé, le 29 janvier 2025, un audit du concours querellé. Pour ce faire, le cabinet d’expertise et conseil RSM France a été recruté au terme d’un processus de sélection internationale lancé en juillet 2024. « Il devra travailler en toute transparence et indépendance, afin de produire un rapport qui permettra au Comité ministériel de l’UMAC de se prononcer sur la suite réservée à ce processus de recrutement », précise l’actuel gouverneur de la BEAC.
Brice R. Mbodiam
Lire aussi:
BEAC : le gouverneur et le PCA s’étripent autour du recrutement des agents d’encadrement supérieur