
Le ministère de l’Eau et de l’Énergie (Minee) et l’Unicef ont officiellement présenté le 11 avril à Yaoundé la Politique nationale de l’eau (PNE). Ce document stratégique, décrit comme un cadre essentiel pour assurer une gestion durable et équitable des ressources en eau, vise à transformer radicalement le secteur hydrique camerounais d’ici 2035.
Situation préoccupante
Les statistiques récentes dressent un tableau préoccupant. Une enquête nationale réalisée en 2021 par l’Institut national de la statistique (INS) révèle que seulement 29% des ménages camerounais bénéficient d’un accès au réseau public de distribution d’eau. La Cameroon Water Utilities (Camwater), société publique chargée de la production et distribution d’eau potable, reconnaît quant à elle perdre 53% de sa production en raison de fuites et de branchements non autorisés.
Les sources alternatives d’approvisionnement dominent largement le paysage. Selon les mêmes données, 40% des ménages dépendent principalement de forages et de puits à pompe. Viennent ensuite les puits protégés (17%), les puits non protégés (14%) et les sources protégées (10%), cette dernière solution présentant des risques sanitaires non négligeables.
Le Cameroun s’était fixé des cibles audacieuses dans sa Vision 2025, visant initialement un taux d’accès à l’eau potable de 75%. Ces ambitions ont été revues à la hausse dans la Stratégie nationale de développement 2020-2030 (SND30), qui prévoit désormais un accès universel en milieu urbain (100%) et une couverture de 85% en zone rurale d’ici 2030.
Pour concrétiser ces objectifs, la SND30 mise sur plusieurs leviers. Elle préconise notamment le développement de partenariats public-privé et l’utilisation de mécanismes innovants de financement climatique. Le plan d’investissement associé table sur la mobilisation de 200 milliards de FCFA d’ici la fin de la décennie.
Le ministre de l’Eau et de l’Énergie, Gaston Eloundou Essomba, reconnaît les lacunes persistantes du secteur. « Soixante ans après l’indépendance, une partie importante de la population n’a toujours pas accès à l’eau potable à des distances et coûts raisonnables », a-t-il déclaré. Le ministre pointe du doigt la fragmentation des interventions sectorielles et le manque de coordination entre les différents acteurs comme principaux obstacles aux progrès.
Axes prioritaires de la nouvelle politique
La Politique nationale de l’eau entend apporter des réponses concrètes à ces défis. Elle propose notamment la création d’un cadre de coordination intersectorielle pour harmoniser les interventions. Parmi ses cibles opérationnelles figurent l’atteinte d’un taux d’assainissement de 60% d’ici 2030 et la réduction significative des pertes techniques de Camwater.
La PNE intègre également une dimension environnementale forte, visant à faire des ressources en eau un levier de développement tout en préservant les écosystèmes aquatiques. Cette approche holistique, saluée par les partenaires techniques, pourrait marquer un tournant dans la gestion des ressources hydriques au Cameroun.
La mise en œuvre effective de cette politique dépendra de plusieurs facteurs clés. La mobilisation des 200 milliards de FCFA prévus constitue un premier défi de taille. L’implication réelle des collectivités territoriales dans la gouvernance locale de l’eau et la transparence dans l’attribution des marchés publics représenteront autant de tests pour les autorités.
Alors que le Cameroun s’apprête à célébrer les 65 ans de son indépendance en 2025, la réussite de cette politique hydrique pourrait devenir un marqueur important de la capacité de l’État à répondre aux besoins essentiels de sa population.
Ludovic Amara
Lire aussi:
13-03-2025 – Grand Nord : le Cameroun recherche 276 milliards de FCFA pour bâtir 300 mini-réseaux d’adduction d’eau potable
05 -02-2025 –Camwater recherche un cabinet pour géoréférencer son réseau et réduire les pertes d’eau à Yaoundé et Douala
- Eau