Enquête au quartier Ngoa-Ekéllé où un enfant de six ans a été froidement assassiné par un homme, Dagobert Nwafo, reconnu pour un caractère violent et agressif. Au sein de la famille de la victime, passés la consternation et l’émoi, l’heure est au deuil. Sur place, plusieurs débits de boisson ont été scellés par le sous-préfet de Yaoundé 3ème.
Il est 13h 20 min ce mardi 13 mai lorsqu’un homme vêtu d’un jeans et d’un tricot de couleur noire sort du commissariat de sécurité publique du 5ème arrondissement de Yaoundé. C’est le même bâtiment qui abrite les services de la Délégation régionale de la Sûreté nationale pour le Centre à Yaoundé. Nous sommes ici au quartier Ngoa-Ekéllé, à proximité de l’université de Yaoundé I. L’homme en question n’est autre que Paulin, le père de Mathis, ce garçon de 6 ans lâchement assassiné ce 10 mai 2025. Il sort du bureau des enquêteurs où il s’est rendu accompagné de ses trois frères. C’est dans cette unité de police qu’une enquête a été ouverte pour déterminer les circonstances du décès tragique de jeune Mathis, élève à la grande section maternelle au groupe scolaire Les Bigourdine à la montée Jouvence.
Samedi dernier vers 14h, ce garçon a été poignardé à plusieurs reprises au domicile de ses parents par le nommé Nwafo alias Blek. Tout a commencé par une bagarre qui a opposé Paulin le père de Mathis à son voisin du même quartier Blek. Les deux hommes sont allés boire dans un débit de boissons situé non loin de leur domicile. Au moment où se déclenche la bagarre suite à une querelle autour du paiement d’une facture, Paulin s’empare d’un verre avec lequel il va frapper et blesser Blek. Pour se venger, Blek décide d’aller prendre un poignard avant de se diriger au domicile de Paulin. Cet homme se servira de son poignard pour blesser grièvement le jeune enfant. L’agresseur est resté sourd aux cris de l’enfant qui le suppliait de ne pas le tuer. Paulin et son épouse n’étaient pas chez eux pendant que leur fils était sauvagement poignardé. Le père apprendra la nouvelle plus tard lorsque son fils était en train d’être transporté à l’hôpital. Depuis samedi dernier que les faits ont eu lieu, Paulin et ses proches sont régulièrement sollicités pour répondre aux questions des enquêteurs. Bien avant ce passage du père du jeune assassiné, un enquêteur nous confie que vers 12h, trois policiers ont été envoyés au Centre hospitalier et universitaire de Yaoundé (Chu).
Ces trois policiers sont allés assurer la relève de leurs collègues. C’est dans cette formation sanitaire que le nommé Nwafo alias Blek est interné et pris en charge, en attendant d’être mis à la disposition de la justice pour répondre des faits « d’assassinat prémédité » du jeune Mathis. Les circonstances de la mort brutale de ce jeune écolier continuent d’intriguer. Lundi 12 mai dernier, la maman du jeune Mathis a été auditionnée par les enquêteurs.
Les bars scellés
Entre psychose, émoi et consternation, les populations du quartier Ngoa-Ekélle décrivent une scène d’horreur le week-end dernier. Au quartier Ngoa-Ekéllé, précisément au lieu-dit boulangerie, les interrogations sur ce qui a motivé Blek de se venger sur un petit écolier sans aucun moyen de défense alimentent toutes les conversations. Paulin, le père de l’enfant défunt et Blek, le présumé assassin sont bien connus dans ce quartier. Paulin est propriétaire d’un commerce de Brocante, situé en face du commissariat du 5ème arrondissement, fermé depuis le week-end. Son épouse, Ornella, gère également une boutique située au même endroit.
De la boulangerie au domicile du deuil, le couloir qui sert de passage ne désemplit pas. A l’entrée principale du domicile familial, un portrait du jeune Mathis. Ses grands frères ne vont pas à l’école depuis les évènements du weekend, apprend-t-on. Paulin qui était sollicité au commissariat, vient retrouver plusieurs proches qui l’attendent. Ces derniers viennent s’enquérir des circonstances de ce drame. L’homme que nous avons rencontré ce 13 mai se dit fatigué depuis samedi à expliquer les mêmes choses, étant donné qu’il n’a pas le moral. L’ambiance à ce domicile est ponctuée de lamentations et de séances de prière. Henriette, la tante de Mathis, ne cesse de répondre aux sollicitations des visiteurs, les larmes perlant sur son visage. C’est elle qui fait office de patronne des lieux : « ma sœur est allée se reposer chez l’un de nos frères. Elle ne dort pas depuis l’assassinat sauvage de l’enfant. Nous avons jugé utile qu’elle quitte la maison. Elle pourra revenir d’ici quelques jours », explique-t-elle. Henriette ne cesse de regarder dans son téléphone portable la vidéo de Mathis où celui-ci présentait une édition du journal d’information dans son école : « Mathis était un enfant intelligent, il avait une passion pour le journalisme. Je n’étais pas là lorsque les faits ont eu lieu mais je suis venue quelques heures après. J’avais trouvé que le corps était déjà à la morgue du Cefta. L’enfant est mort pendant son évacuation à la Garnison militaire », explique Henriette. Hier aux environs de 14h, six débits de boisson étaient déjà scellés par les policiers dépêchés par le sous-préfet de Yaoundé 3ème. Ces policiers affirment que l’autorité administrative a décidé de prendre certaines mesures conservatoires visant plus d’une vingtaine de débits de boissons dans ce secteur après les événements survenus le week-end.
Le sulfureux Bleck ?
Du lieu du deuil, le trajet qui mène au domicile du présumé assassin de Mathis est de moins de 30 secondes. Ce 13 mai, le domicile de Blek est fermé : « Son épouse et ses enfants ont quitté la maison pour éviter d’être lynchés. Samedi dernier, lorsque l’enfant est décédé, une foule en colère était prête à s’en prendre aux proches du présumé assassin. Nous avons pu calmer le père de la victime. La famille du présumé assassin a failli d’être brulée », explique Richard. Richard qui habite le quartier Ngoa-Ekéllé depuis son enfance est enseignant d’une école primaire. Ce quadragénaire connait bien Blek depuis plus de 20 ans « C’est un monsieur que je connais depuis. Avant de s’installer dans ce quartier, il était vendeur de la friperie au marché de la Briqueterie. Lorsqu’il vendait au marché, il bagarrait presque chaque jour. Dans ce quartier, il est connu comme un grand revendeur d’énergie électrique. Je ne sais pas comment il fait pour assurer le branchement de plusieurs maisons en énergie électrique. Dans notre secteur, si quelqu’un veut un branchement électrique, il courre chez Blek », ajoute Richard.
Cet homme est reconnu dans ce quartier pour son caractère violent : « Presque chaque fois qu’il est assis dans un bar, il finit par la bagarre. Son seul travail est de bagarrer et d’insulter les gens et chaque fois, il affirmait qu’il peut tout faire et rien ne peut lui arriver, mais personne ne pouvait imaginer qu’il irait jusqu’à se venger sur un pauvre enfant. Il y a deux semaines qu’il a été impliqué dans une bagarre qui s’est soldée par un mort. Cette affaire est bien connue ici au quartier. Sauf que la famille du disparu n’a pas voulu faire les problèmes. Il était également violent à l’égard de son épouse et ses propres enfants », affirme un autre voisin.
C’est cet homme, le père de l’artiste Lydol, qui a lui-même frôlé la mort samedi dernier après avoir infligé des coups mortels au jeune Mathis. Selon les témoignages recueillis, le présumé assassin a été blessé au cou. Il saignait abondamment. Après avoir été blessé, il a été tabassé par une foule en colère. Au moment où il était en évacuation au Chu, certains le croyaient morts. Hier au commissariat de police, un policier nous a confié que le présumé assassin a repris conscience et que ses jours ne sont pas en danger.