Sindjoun reproche également à Kamto sa « méconnaissance relative du peuple camerounais », notamment en le caricaturant comme « attaché au football et à la bière ». Il dénonce le « mépris de classe » et la désignation du peuple comme « bouc-émissaire » en cas de défaite électorale, y voyant un « outrage aux principes fondamentaux de la démocratie ». Enfin, il fustige la menace de recours à la violence post-électorale et l’utilisation du concept de « légitime défense du peuple », soulignant que la démocratie exige une compétition pacifique et le respect des institutions, et non l’incitation à la rébellion.
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𝐑𝐄𝐓𝐎𝐔𝐑 𝐀 𝐋’𝐄𝐗𝐏𝐄𝐃𝐈𝐓𝐄𝐔𝐑 : 𝐃𝐄 𝐋’𝐈𝐍𝐐𝐔𝐈𝐄𝐓𝐀𝐍𝐓 𝐕𝐈𝐃𝐄 𝐃𝐔𝐍 𝐃𝐈𝐒𝐂𝐎𝐔𝐑𝐒 𝐃’𝐎𝐏𝐏𝐎𝐒𝐈𝐓𝐈𝐎𝐍.
Par 𝐋𝐮𝐜 𝐒𝐈𝐍𝐃𝐉𝐎𝐔𝐍, Membre Titulaire du Comité Central RDPC
Tout discours sur le Cameroun, sur son actualité et son avenir, sur ses défis et ses opportunités, nous interpelle quel qu’en soit l’auteur, quelle que soit son identité, quel que soit son statut. Le Cameroun, c’est nous tous ; c’est chacun d’entre nous. Et, dès lors que c’est de notre unité de définition, d’identification et de recherche du salut à la fois collectif et individuel qu’il s’agit, notre citoyenneté requiert de nous attention et vigilance, surtout lorsque celui qui discourt sur le Cameroun a l’ambition de le diriger ; ambition légitime dans un contexte politique, dont l’aménagement par le Président Paul BIYA, est marqué par la périodicité des élections libres, concurrentielles.
dont l’aménagement par le Président Paul BIYA, est marqué par la périodicité des élections libres, concurrentielles, transparentes et sincères. Aussi, on comprend aisément que j’ai suivi le discours tenu à Paris par M. Maurice Kamto, président du parti politique, MRC. Mais alors, quel chapelet d’approximations, de contradictions, de prétentions, d’inconséquences et parfois de vilenies qui ne contribuent pas à enrichir la qualité de la vie publique. Hélas !
Commençons par rappeler combien est ignoble l’attaque ad hominem à l’endroit de la personne du Président de la République, M. Paul BIYA, sur la base de son âge. On pourrait y répondre par un silence 2 assourdissant tant l’absence d’argument est criarde ; mais il y va de la qualité du débat politique : le silence peut faire le lit de l’incivisme et de la « décivilisation » des mœurs politiques. Comprenons-nous bien, on ne peut pas prétendre, comme l’a dit M. Maurice Kamto, qu’on respecte un patriarche et s’en prendre à lui avec comme seul argument, son âge. Cette concurrence de discours est surtout la preuve l’absence d’offre politique. L’âge du Président de la République, M. Paul BIYA, connu de tous, constitue une ressource politique majeure : c’est l’âge de la « force de l’expérience », de l’expérience au service des générations actuelles et futures ; c’est un âge qui va de pair avec des états de service convaincants et entraînants. Qui plus est, comme le dit l’adage, l’âge n’est qu’un nombre. Ce qui est important, c’est ce que cet âge traduit comme parcours de vie, comme dévouement pour la chose publique, pour la cause commune et la grandeur de la nation, comme action constante pour la réalisation du projet de construction d’un Etat moderne, d’une République indivisible, d’une Nation unie et fière de ses particularismes, d’une démocratie dynamique et d’un Etat de droit, d’une économie en quête incessante de satisfaction des besoins. Vous avez dit état civil ; l’état civil du Président de la République, il est assumé avec fierté et gratitude. A son état civil, j’ajoute ses états de service. L’état civil sans états de service n’est pas digne de révérence. L’état civil sans projet n’est pas digne d’attention. Par ailleurs, il convient de souligner que, dans le cas d’espèce, la discrimination fondée sur l’âge relève de l’âgisme et constitue un délit et non une pensée. Au même titre que le tribalisme, le régionalisme et le sexisme, l’âgisme n’a pas de place dans le débat public. Sur la base de notre Constitution, on ne peut pas dénier au Président de la République, M. Paul BIYA, et à ceux qui le soutiennent, le droit de participation à la vie publique. En matière de participation à la vie publique, il n’y a pas de délit d’âge ; il y a la proposition d’une offre politique.
Et, si nous évoquions à présent, le rapport de M. Maurice Kamto au peuple camerounais.
– Le peuple camerounais est présenté, dans le discours de Paris, comme étant plus attaché au football et à la bière qu’à autre chose, comme étant en fait constitué de jouisseurs insouciants. 3 Quelle caricature d’un peuple qu’on dit vouloir servir ! Des Camerounais sont passionnés par le football et la bière. Et alors ? Ils ne sont pas seulement passionnés par le football et la bière. Le fait pour certains d’être passionnés par le football et la bière ne les rend pas pour autant imperméables au débat sur l’avenir du Cameroun. Sait-on que le football est un vecteur de diffusion de la culture démocratique ? Sait-on que les pubs britanniques, lieux de consommation de boissons alcoolisées et d’expression de la passion pour le football, sont des institutions populaires de la démocratie ? Certes, comparaison n’est pas raison ; mais, il importe d’avoir une connaissance fine des cultures populaires qui structurent le rapport au football et à la bière au Cameroun, avant de formuler un jugement péremptoire.
En fait, ce qui est à l’œuvre dans le discours de M. Maurice Kamto, c’est une méconnaissance relative du peuple camerounais et une anticipation sur l’explication de sa défaite, s’il est candidat à la prochaine élection présidentielle. Il s’agit aussi d’un mépris de classe à l’endroit d’un peuple qui n’est pas en phase avec ses attentes. Il faut espérer que ce discours ne cache pas une intention de changer de peuple, de créer un peuple nouveau, éloigné du football et de la bière (ces vices qui empêchent le martyre tant souhaité). Pol Pot ne serait pas loin.
– Le peuple camerounais est désigné comme bouc-émissaire, comme coupable, en cas de défaite électorale. Doit-on rappeler que le peuple camerounais est le détenteur de la souveraineté exprimée à l’occasion des élections et que les électeurs choisissent librement leur candidat, en leur âme et conscience ?
Affirmer urbi et orbi, comme l’a fait M. Maurice Kamto, que la faute reviendra au peuple, s’il n’est pas élu, c’est un outrage aux principes fondamentaux de la démocratie doublé d’un mépris à l’endroit du peuple souverain. Dans un régime démocratique, c’est le peuple souverain qui est le maître du jeu et qui détermine l’issue des élections. Ici, nul ne peut pas s’instituer en législateur de la conduite du peuple, en juge du choix exprimé librement par le peuple ou encore en censeur de la volonté populaire. Réaffirmons que le peuple souverain n’a pas de 4 tuteurs et qu’il n’a pas besoin d’assistance pour exercer sa souveraineté. Le discours sur la « faute du peuple » est une inquiétante régression, en même temps qu’il est un révélateur de la revendication par M. Maurice Kamto d’une posture de supériorité par rapport au peuple, plus précisément d’une posture de « sauveur ». Autant de traits qui sont de nature à hypothéquer la logique démocratique.
– Dans son développement sur la menace de recours à la violence postélectorale pour des raisons par lui déterminées arbitrairement, M. Maurice Kamto parle de la légitime défense du peuple ; concept qu’il évite soigneusement d’utiliser lorsque les populations de certaines localités des régions de l’ExtrêmeNord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest font face à l’agression constituée par le terrorisme de Boko Haram et le terrorisme sécessionniste. Dans le cadre d’un processus électoral, répétonsle, le peuple est le maître de son destin ; il décide souverainement dans le respect des lois et des institutions par lui établis. Être démocrate, c’est accepter la compétition politique pacifique, sans brandir la menace de recours à la violence, ni intimider le peuple. L’appel à lancer, c’est un appel pour une participation populaire au vote et non pour une préparation à la rébellion ou à l’insurrection. La légitime-défense du peuple n’est pas à l’ordre du jour tant l’agenda démocratique national est un cadre d’épanouissement et d’autodétermination du peuple par le libre choix de ses dirigeants. Si contestation il y a, comme c’est souvent le cas dans les démocraties, elle doit être exprimée dans le cadre des institutions. La menace de recours à la violence n’est pas un facteur de consolidation de la culture démocratique ; elle est plutôt le signe d’une promotion du changement antidémocratique de régime et marque l’absence d’arguments et d’offre politique de la part de ceux qui la manipulent.
Venons-en maintenant au rapport de M. Maurice Kamto à la prochaine élection présidentielle. Sa volonté d’y prendre part a été 5 exprimée comme celle d’autres acteurs politiques. La manifestation par les uns et les autres de leur intention de participer comme candidats, à l’élection présidentielle doit être considérée comme un indice de progrès démocratique. La pluralité des candidatures permet à l’électeur d’exercer sa liberté de choix, même si la multiplicité des candidats ne correspond pas toujours à la diversité des offres politiques. Toutefois, au Cameroun, comme ailleurs, la présentation de la candidature à une élection est régie par la loi électorale. Qu’il y ait débat sur le respect de la loi électorale par tel ou tel candidat éventuel ne devrait pas offusquer certains. D’ailleurs, il ne s’agit pas d’une nouveauté au Cameroun où il est arrivé que la candidature du Président Paul BIYA soit contestée devant le Conseil Constitutionnel, que des candidatures aux élections législatives et sénatoriales soient rejetées par le Conseil Constitutionnel, que des listes des candidats du RDPC soient invalidées dans certaines régions. Ce qui est à l’œuvre, c’est aussi la transparence du processus électoral et la force de l’Etat de droit électoral. D’où vient-il alors que M. Maurice Kamto s’en prenne à ceux qui contestent la possibilité de sa candidature à la prochaine élection présidentielle ? Il peut être aisément démontré que l’argumentation qu’il avance pour soutenir sa candidature est contestable (à moins qu’il s’agisse d’un dogme et non d’un argument scientifique qui se caractérise par sa réfutabilité). Mais, tel n’est pas l’objet de mon propos. Toutefois, mention doit être faite qu’il est le premier à avoir envisagé publiquement, lors de l’annonce de la décision de boycott des élections législatives et municipales de 2020, le risque de non-participation de son parti politique à l’élection présidentielle de 2025 : c’est en connaissance des conséquences du boycott qu’il avait pris sa décision. Il semble avoir changé d’avis entre 2020 et 2025 ; prenons en acte. Dans une démocratie pluraliste, c’est toujours une bonne nouvelle que de savoir que tous les partis politiques veulent participer au processus électoral, à condition de respecter la loi. S’il en est ainsi pour les nouveaux convertis à la participation électorale, la sérénité devrait être de mise dans leurs rangs, en attendant que le corps électoral soit convoqué et que les candidatures soient examinées par ELECAM et le Conseil Constitutionnel. Comme M. Maurice Kamto l’a si bien dit, il n’y a pas un obstacle juridique à sa candidature, en particulier (j’ajoute) ; en fait, il n’y a pas d’obstacles juridiques à la candidature de qui que ce 6 soit : il n’y a que des conditions générales et impersonnelles qui gouvernent la présentation de toute candidature à l’élection présidentielle, sans discrimination. Suite au débat public en cours, manifestation de la citoyenneté, le Conseil Constitutionnel, en toute indépendance, arrêtera la liste des candidats à l’élection présidentielle. Ce sera une décision opposable à tous qu’il faudra respecter, sans préjudice de la liberté d’expression. Pour l’instant, il y a lieu de remarquer que le recours au droit par les différents protagonistes du débat précité traduit en partie la pacification du débat politique : les arguments juridiques mobilisés (adéquatement ou non) apportent plus à la démocratie que la violence physique.
L’élection présidentielle à venir est certainement une élection importante. Mais, contrairement à ce que dit M. Maurice Kamto, elle ne sera pas la plus importante depuis le début de l’histoire politique du Cameroun. L’Histoire du Cameroun ne commence pas en 2025 : il y a eu des élections importantes au Cameroun avant 2025, il y en aura après 2025 ; chaque élection est importante parce qu’elle permet au peuple d’exprimer sa souveraineté. Pas plus que l’histoire du Cameroun ne commence en 2025, 2025 ne sera pas, comme le souhaite M. Maurice Kamto, la gare. Si gare il y a, comme il le clame, ce sera la sienne, suivant les suffrages valablement exprimés (au cas où il est candidat). Pour ce qui est du Président Paul BIYA, dont nous appelons à la candidature, il cumule toutes les ressources permettant d’envisager la poursuite de son action à la tête de l’Etat : il est un Leader qui rassemble, qui rassure, qui assure, qui inspire, qui écoute et qui guide ; il dispose d’un bilan, celui du Cameroun qui « va debout et jaloux de sa liberté » et dont le drapeau, « comme un soleil » est fier ; il a une offre politique convaincante, celle contenue notamment dans la dernière édition revue et augmentée de son maître-ouvrage, Pour le libéralisme communautaire. Une pensée dynamique à la mesure des temps présents ; il est soutenu par le peuple camerounais dans sa majorité écrasante ; il s’appuie sur le RDPC, parti politique qui couvre l’étendue du territoire national et dans lequel se reconnaissent la majorité des électeurs, soit comme militants, soit comme sympathisants.
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𝐋𝐮𝐜 𝐒𝐈𝐍𝐃𝐉𝐎𝐔𝐍, Agrégé de science Politique, est Professeur des Universités à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) et Président honoraire de l’Association Africaine de Science Politique. Il a présidé à plusieurs reprises (6) le jury du concours africain d’agrégation de science politique. »