La loi d’avril 2023 (révisée en 2017) portant incitation à l’investissement privé au Cameroun, qui accorde des exonérations fiscalo-douanières allant de 5 à 10 ans aux porteurs de projets d’investissement, n’est plus au goût du patronat camerounais, dix ans après son entrée en vigueur en 2014. C’est du moins ce qu’a laissé entendre Célestin Tawamba, le président du Groupement des entreprises du Cameroun (Gecam), lors de la « rentrée économique du patronat » le 18 septembre 2024 à Douala, la capitale économique du pays.
« Les incitations aux investissements en République du Cameroun doivent être entièrement repensées. Depuis la promulgation de la loi en avril 2013, le Cameroun a adopté de nouvelles politiques publiques et réformes ayant des incidences sur l’investissement. L’ensemble de ces éléments a rendu caduques plusieurs dispositions du cadre réglementaire sur les incitations à l’investissement, qui se trouvent en déphasage avec ces nouvelles orientations gouvernementales », soutient le président de la plus importante organisation patronale du Cameroun.
Parmi les lacunes de la loi de 2013, révisée en 2017, détaille Célestin Tawamba, il y a la confusion dans la compréhension des critères d’éligibilité, qui « laisse place à l’arbitraire et ne garantit pas l’équité dans le traitement des dossiers ». Il y a aussi la non-prise en compte des spécificités des zones enclavées, afin d’encourager le développement équilibré des différentes régions, en droite ligne avec l’esprit de la décentralisation. De plus, certaines mesures sont inadaptées aux objectifs recherchés par la loi, ce qui « fait perdre des recettes importantes à l’État et augmente la pression fiscale sur les entreprises existantes, qui doivent combler le déficit ainsi créé ».
Près de 1 000 milliards investis en 5 ans
Par ailleurs, le président du Gecam dénonce la longueur et le caractère injustifié des phases d’installation (de 5 à 7 ans) et d’exploitation des entreprises (jusqu’à 10 ans), pendant lesquelles les exonérations fiscalo-douanières accordées dans le cadre de cette loi sont valables. « Elles permettent à certaines entreprises d’utiliser ces avantages à d’autres fins que l’investissement réel annoncé, ou de continuer d’utiliser les avantages de la phase d’installation pour un projet déjà en phase d’exploitation », révèle-t-il.
Au regard de toutes ces tares, soutient le président du Gecam, « une refonte de la loi sur les incitations aux investissements est indispensable pour garantir une mise en cohérence d’ensemble, afin d’avoir un impact plus significatif ». Ce d’autant plus que, selon les chiffres disponibles, pour une proportion de 198 milliards de FCFA d’incitations fiscales et douanières accordées, la richesse créée se situerait autour de 41 milliards de FCFA seulement, soit 0,0018 % du PIB.
Pour rappel, lors de son intervention le 23 février 2023, à l’occasion de l’Africa CEO Forum dédié aux opportunités d’investissement au Cameroun, la DG de l’Agence de promotion des investissements (API), la regrettée Marthe Angeline Mindja, a révélé qu’à ce jour, l’API avait déjà permis la signature de 302 conventions avec les entreprises du secteur privé, pour un total de 5 474 milliards de FCFA d’investissements prévisionnels et 110 000 emplois directs projetés. « En ce qui concerne les statistiques réelles obtenues après une évaluation d’un échantillon de 100 entreprises agréées relevant du portefeuille de l’API, et couvrant la période de mise en œuvre de leurs projets entre 2014 et 2019, il ressort un volume d’investissements réalisés de 987 milliards de FCFA, et un nombre de 12 050 emplois directs créés », a-t-elle précisé.
Brice R. Mbodiam
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