Dans une récente sortie, Calixthe Beyala revient implicitement sur la soutenance très médiatisée d’Indira Baboké lundi dernier, pôur s’interroger sur le sentiment que cette démonstration de faste a pu inspirer aux plus modestes. « Qu’est-ce qu’il a donc pensé l’enfant de la vendeuse des beignets en ce fameux jour ? Peut-être s’est-il dit que finalement tout ceci n’est qu’une grosse farce ? Que finalement l’école ne réussit qu’à ceux qui peuvent faire une exposition ostentatoire de leur puissance ? Décidément au pays de Paul Biya, les gens marchent sur leur tête », commente l’écrivaine.
Lire en intégralité sa sortie :
« De la désacralisation de l’école au Cameroun : une injustice de plus.
L’école est sensée être un sanctuaire. Un lieu où tous Les enfants du monde oublient l’espace d’un moment qu’il y a des inégalités. Les professeurs essaient de maintenir un équilibre, quelque chose qui ressemble à l’équité, à l’égalité où la connaissance est le seul ascenseur social. Il dit à l’enfant du pauvre que lui aussi pourrait réussir. La connaissance porte en elle des germes du divin et du sacré. L’école est le lieu de l’uniformisation par excellence.
Voilà qu’on m’interpelle de partout. Une jeune femme a fait surgir au sein d’un amphithéâtre tous les éléments ostentatoires de sa vie de fille d’homme d’état. Il y avait là me dit-on toute la cohorte des ministres avec ce que cela comporte comme pouvoir militaire, pouvoir politique, pouvoir économique et sans oublier le quatrième pouvoir, la presse.
Et dans ce tohu-bohu, cette confusion de genres, d’états et des choses, elle a présenté sa thèse de doctorat en médecine au Cameroun qui se déroule en sept ans et non en dix ans comme c’est le cas en France.
Puis une mention qui laissa le Cameroun étonné.
J’ai essayé de regarder ces images et toute cette théâtralité. J’ai pensé à une mise en scène où chaque acteur aurait répété parfaitement son rôle, où les voix et les choix avaient été faites bien avant. D’ailleurs quel pouvoir avaient encore ces professeurs face à l’étalement d’une telle puissance ?
Je ne remets pas les capacités de quiconque en question ni celui du parchemin délivré. Mais je m’interroge :
-Qu’est-ce qu’ont pu penser les enfants des pauvres qui soutenaient eux aussi ce jour là, sans toute cette faste, ce tapeloeisme, ce matuvuisme dans cet endroit de connaissance ? Croyaient-ils encore en l’égalité des diplômes obtenus ? Croyaient-ils encore à une chance de réussite par son travail ? Parce qu’en voulant trop exposer, surexposer sa puissance et sa richesse en cet instant précis de l’histoire, on amène la jeunesse camerounaise à douter de tout, et ce, avec raison.
La connaissance et ses lieux ont ceci d’extraordinaire, c’est le silence qui les englobe, l’enfermement et l’intériorisation du soi-social qui permettent à la connaissance de nous montrer toute l’infini de son étendue.
Oui, qu’est-ce qu’il a donc pensé l’enfant de la vendeuse des beignets en ce fameux jour ? Peut-être s’est il dit que finalement tout ceci n’est qu’une grosse farce ? Que finalement l’école ne réussit qu’à ceux qui peuvent faire une exposition ostentatoire de leur puissance ? Décidément au pays de Paul Biya, les gens marchent sur leur tête ».