Intitulée « Lettre ouverte à Monsieur le Ministre Issa Tchiroma Bakary« , cette missive débute par la reconnaissance d’un geste qui, en ces temps politiques tendus, « revêt une portée symbolique forte ». Fotsing Nzodjou salue initialement le choix de quitter « le confort du pouvoir » à un « moment stratégique », la veille d’une élection potentiellement porteuse de changement.
Cependant, la lettre plonge rapidement dans le passé politique d’Issa Tchiroma. Fotsing Nzodjou rappelle son parcours d’« ancien opposant intrépide » qui avait su « gagner l’estime d’un peuple » le croyant « résolu, incorruptible, déterminé à en découdre avec les injustices et la confiscation du pouvoir ». Le texte souligne ensuite le virage opéré par l’ancien ministre : « Puis vous avez choisi un autre chemin : celui de la collaboration avec le régime que vous aviez si ardemment combattu. »
Lire ci-dessous cette lettre en intégralité :
« Lettre ouverte à Monsieur le Ministre Issa Tchiroma Bakary
À l’heure de votre démission du gouvernement
Monsieur le Ministre,
C’est avec un mélange de surprise, d’intérêt et de prudence que le peuple camerounais a pris acte de votre démission du gouvernement. En ces temps troublés, où la parole politique a trop souvent perdu son sens, ce geste, le vôtre, revêt une portée symbolique forte.
Permettez que l’on commence par saluer ce choix. Quitter le confort du pouvoir pour rejoindre, peut-être, les aspirations du peuple, n’est jamais un acte banal. Votre démission intervient à un moment stratégique : à la veille d’une élection présidentielle qui pourrait, enfin, ouvrir la voie à un véritable changement au Cameroun.
Monsieur le Ministre, votre trajectoire est connue de tous. Ancien opposant intrépide, vous aviez su gagner l’estime d’un peuple qui vous croyait résolu, incorruptible, déterminé à en découdre avec les injustices et la confiscation du pouvoir. Puis vous avez choisi un autre chemin : celui de la collaboration avec le régime que vous aviez si ardemment combattu.
Pendant de longues années, vous avez été l’un de ses plus fidèles serviteurs, parfois même son bouclier le plus bruyant. Vous avez défendu l’indéfendable, justifié l’injustifiable, et parfois, vous avez blessé ceux qui vous avaient autrefois applaudi.
Mais aujourd’hui, vous quittez ce régime. Et même si les raisons profondes de ce choix peuvent encore interroger, même si certains y voient une stratégie de repositionnement plutôt qu’un réel sursaut de conscience, nous choisissons — pour l’instant — de vous accorder le bénéfice du doute.
Car tout homme a le droit de se réinventer. Tout acteur politique, aussi controversé soit-il, peut retrouver la voie de la vérité, s’il le fait avec humilité, constance et sincérité. Ce que vous faites aujourd’hui peut être le début d’un retour vers le peuple. Et si tel est votre véritable dessein, alors, Monsieur le Ministre, vous serez peut-être utile à la nouvelle page qui s’écrit.
Mais attention : le peuple vous observe. Le peuple se souvient. Et surtout, le peuple saura quoi faire.
Il saura distinguer les repentis sincères des opportunistes camouflés. Il saura reconnaître ceux qui reviennent par conviction, et ceux qui cherchent une nouvelle planche de salut. Le peuple camerounais n’est plus naïf. Il a mûri dans la douleur. Il a appris à lire entre les lignes, à détecter les calculs derrière les gestes.
C’est pourquoi votre avenir politique, Monsieur le Ministre, ne dépend plus seulement de vous, ni de vos discours. Il dépendra de vos actes à venir. De votre capacité à servir sans chercher à diriger, à réparer sans chercher à briller, à vous fondre dans la lutte du peuple sans tenter de la récupérer.
Votre démission est une brèche. Une brèche dans le mur du silence, une brèche dans l’édifice d’un régime qui se fissure de l’intérieur. Si d’autres, à votre image, décident de lâcher les vieilles structures pour rejoindre le camp du peuple, alors c’est toute la dynamique du changement qui s’en trouvera renforcée. À ces futurs démissionnaires, nous disons : qu’ils n’aient plus peur, qu’ils viennent. Mais qu’ils viennent avec des mains propres et un cœur sincère.
Monsieur le Ministre, cette lettre n’est ni un châtiment ni un pardon. C’est un appel à la lucidité. Un message clair : le peuple vous regarde. À vous désormais d’écrire les prochaines lignes de votre histoire. Mais souvenez-vous : le temps de la parole est révolu. C’est l’heure des preuves.
Respectueusement,
Un citoyen éveillé
Fotsing Nzodjou »