Dans un entretien exclusif accordé à Jeune Afrique, Bello Bouba Maïgari revient sur les motivations de sa candidature, affirmant qu’elle découle d’un processus conforme aux statuts de son parti et d’une demande « insistante » de la base militante, des jeunes et des femmes. Pourtant, sa candidature le place en opposition à un système qu’il a « longtemps soutenu de l’intérieur » en tant que membre du gouvernement pendant plusieurs décennies.
Cette apparente volte-face est au cœur des interrogations. Interrogé sur son bilan au sein de l’exécutif, Bello Bouba Maïgari se contente d’affirmer que la participation de l’UNDP au gouvernement reposait sur une « plateforme d’action gouvernementale » et qu’ils ont « œuvré avec loyauté » pour la démocratie, la paix et le progrès. Une réponse qui, si elle met en avant la loyauté à la plateforme, évite une auto-évaluation critique des résultats concrets obtenus ou des échecs patents durant sa longue période au pouvoir. Sa déclaration selon laquelle il n’a « pas connaissance » de tensions avec la présidence ou d’autres membres du gouvernement, alors même que Grégoire Owona du RDPC a publiquement déclaré la rupture de l’alliance en raison de sa candidature, interroge sur la transparence de ses relations avec le pouvoir.
L’ancien Premier ministre évoque par ailleurs un « climat politique serein » au Cameroun, minimisant les défis sécuritaires en régions anglophones et mettant en avant la liberté de circulation, un constat qui pourrait sembler déconnecté des réalités perçues par de nombreux Camerounais face aux crises persistantes. Sa position sur la succession du Chef de l’État, où il souhaite une transition pacifique et appelle à l’éducation citoyenne, reste dans les limites d’un discours consensuel sans aborder les réformes institutionnelles ou politiques nécessaires.
En se présentant comme une alternative pour le changement après avoir été un pilier du système, Bello Bouba Maïgari incarne une forme d’ambiguïté politique. Sa capacité à rallier « toutes les forces du changement » dépendra non seulement de sa vision pour le Cameroun, mais aussi de sa capacité à convaincre l’opinion publique de la sincérité de sa rupture avec un passé institutionnel dont il fut un acteur majeur, et dont le bilan est aujourd’hui âprement critiqué par de nombreux acteurs de l’opposition.