À l’approche de l’élection présidentielle d’octobre 2025, la scène politique camerounaise est marquée par une « offensive politique » de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP). Son président, Bello Bouba Maïgari, une figure historique de l’échiquier politique, d’après une interview accordée à Jeune Afrique, a annoncé sa candidature après une « large consultation interne » au sein de son parti, affirmant avoir été « pressé par la base militante ». Cette décision, qu’il présente comme conforme aux statuts de l’UNDP, intervient dans un contexte de calendrier politique chargé pour le Cameroun.
Le point d’orgue de cette annonce réside dans la rupture significative avec le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), l’allié de longue date de l’UNDP. Bello Bouba Maïgari « tend la main aux ‘forces du changement’ dans l’optique d’une coalition d’opposition ». Une manœuvre qui positionne l’UNDP dans le camp des contestataires, après des décennies de collaboration étroite avec le pouvoir en place.
Cependant, c’est sur la question de sa démission du gouvernement que la déclaration de Bello Bouba Maïgari révèle toute son ambiguïté et suscite des interrogations. Alors qu’il annonce sa candidature à la magistrature suprême, l’ancien Premier ministre précise : « Ma démission, si elle doit intervenir, sera adressée au président de la République, Paul Biya ». Cette formule, loin d’être anodine, indique qu’à l’heure actuelle, Bello Bouba Maïgari reste membre du gouvernement, conservant son poste malgré son positionnement en tant que candidat de l’opposition.
Ambigu
Cette situation est notable. Elle pose la question de la cohérence et de la transparence de son engagement. Comment un membre du gouvernement, qui par définition est censé œuvrer pour l’application des politiques du chef de l’État, peut-il simultanément se déclarer candidat contre ce même chef de l’État et appeler à une coalition des forces du changement ? Cette suspension de sa démission, si elle peut être interprétée comme une prudence tactique, risque également d’entacher la crédibilité de sa démarche et de semer le doute sur la sincérité de sa rupture avec le système qu’il prétend désormais combattre.
Par ailleurs, Bello Bouba Maïgari se veut « rassurant » quant au climat politique national et appelle à une transition apaisée du pouvoir, tout en plaidant pour un « multipartisme réel, vivant ». Il revendique l’héritage républicain de son parti et adresse un message de paix, de concorde nationale et de responsabilité citoyenne aux Camerounais. Toutefois, cette rhétorique consensuelle, aussi nécessaire soit-elle, ne dissipe pas l’interrogation centrale : la démission tardive, voire conditionnelle, d’un ministre-candidat qui cherche à incarner une « alternative » après avoir longtemps été partie prenante du pouvoir. Cette ambiguïté pourrait s’avérer être un talon d’Achille dans sa quête d’une coalition d’opposition crédible.