La Commission européenne a proposé, le 2 octobre 2024, de retarder d’un an l’entrée en vigueur du Règlement européen sur la déforestation (RDUE), initialement prévu pour décembre 2024. La nouvelle date d’application est désormais fixée au 30 décembre 2025, avec une extension jusqu’au 30 juin 2026 pour les petites entreprises. L’institution souligne le manque de préparation des partenaires internationaux à se conformer aux exigences. « La Commission reconnaît que trois mois avant la date de mise en œuvre prévue, plusieurs partenaires mondiaux ont exprimé à plusieurs reprises des inquiétudes quant à leur état de préparation au cours de la semaine de l’Assemblée générale des Nations Unies. En outre, il y a un écart dans la préparation au niveau des parties prenantes en Europe. Alors que certains espèrent être dans les temps grâce à leurs préparatifs intenses, d’autres ont exprimé des préoccupations », indique-t-elle dans un communiqué publié sur son site web.
Adopté en mai 2023, le RDUE a pour objectif d’interdire l’importation et la commercialisation en Europe de produits ayant contribué à la déforestation après le 30 décembre 2020. Sept produits agricoles et leurs dérivés sont concernés : le cacao, le café, le caoutchouc, l’huile de palme, le soja, le bœuf et le bois. Pour être en conformité avec le règlement, les produits concernés mis sur le marché ou exportés doivent être certifiés « zéro déforestation » , être conformes à la législation du pays d’origine et faire l’objet d’une déclaration de diligence raisonnée. Les opérateurs et commerçants devront notamment remplir une déclaration de diligence raisonnée dans un système d’information de la Commission européenne qui centralisera l’ensemble de ces déclarations.
Dans leur déclaration signée à Abidjan vers la fin septembre, les pays producteurs de cacao avaient demandé à l’UE une période supplémentaire de deux ans pour se conformer au RDUE, jugeant le timing de la mise en œuvre « irréaliste au regard des exigences du règlement , allant de la géolocalisation des parcelles à l’établissement d’un système de traçabilité exhaustif » . Ce rapport représente donc une petite victoire pour ces pays, notamment le Cameroun, quatrième producteur mondial de cacao selon l’Organisation internationale du cacao (ICCO, sigle en anglais). Pour le Cameroun, ce rapport constitue donc une opportunité précieuse alors que le pays fait face à un triple défi. D’abord, il doit établir un système de traçabilité rigoureuse pour ses produits agricoles, en particulier le cacao, afin d’assurer une transparence depuis l’origine jusqu’à l’exportation. Ensuite, il est crucial d’intensifier les efforts pour produire du cacao de manière durable, sans nuire aux forêts. Enfin, le respect des critères de légalité imposées est essentiel pour maintenir l’accès au marché européen, où l’UE demeure le plus grand importateur de cacao, représentant 60 % des importations mondiales, principalement en provenance de la Côte d’Ivoire, du Ghana et du Cameroun.
Le cacao est « l’un des moteurs de la déforestation au Cameroun », selon l’UE. Pour que le cacao camerounais puisse accéder au marché européen, il devra répondre à des exigences strictes de traçabilité, être certifié « zéro déforestation » et conforme aux lois camerounaises en matière de droits d’usage des terres, d’environnement, de droits de l’Homme et de commerce. Cela signifie que les producteurs cultivants sur des terres récemment déboisées ne pourront plus vendre leurs récoltes aux principaux acheteurs à l’échelle nationale et internationale. Pour répondre aux exigences de traçabilité par exemple, le Cameroun a récemment lancé une plateforme de mutualisation, supervisée par le Conseil interprofessionnel du cacao et du café (CICC). Cette initiative vise à centraliser les données de géolocalisation des parcelles cacaoyères et caféières, offrant ainsi une cartographie précise qui permettra aux exportateurs de garantir la durabilité de leurs produits. Grâce à cette plateforme, le pays espère se conformer aux normes européennes tout en préservant sa position sur le marché européen.
Pour rappel, le cacao représente une ressource stratégique pour le Cameroun, constituant la troisième source de devises du pays en 2023, avec 12 % des recettes totales d’exportation, derrière les huiles brutes de pétrole (37,7 %) et le gaz naturel liquéfié (14,1 %), selon l’Institut national de la statistique (INS). Les produits dérivés du cacao, tels que la pâte et le beurre, représentent 5,2 % des recettes totales d’exportation, d’après la même source. En 2023, les exportations de cacao brut vers l’UE ont augmenté de 18,6 %, générant 263,9 milliards de FCFA, soit 17,3 % des exportations vers l’UE. Les produits dérivés, quant à eux, représentent respectivement 3,3 % et 4,2 % des exportations totales vers l’UE la même année.
Patricia Ngo Ngouem
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