« La capacité de production normale du Laboratoire national vétérinaire (Lanavet) est de 100 millions de doses de vaccins par an. Mais avec la vieillesse des équipements de production, l’entreprise fonctionne au 1/5ème pour une production de 20 millions de doses de vaccins et diluants par an », indiquait Dr Abel Wade, directeur général de Lanavet lors d’une interview qu’il a accordée en 2022 au site internet Actualité de l’Est. Nommé directeur général en 2020, le vétérinaire microbiologiste moléculaire précise que l’entreprise « est financièrement dans le rouge car ayant perdu son capital social ».
Dans un élan de transparence, Dr Wade a sollicité un audit financier indépendant de l’Union Européenne. Cet audit a confirmé la faillite du Lanavet depuis des années, une vérité qui avait été dissimulée. De 2000 à 2019, l’État avait placé le Lanavet sous contrat-plan, lui accordant une subvention annuelle de 300 à 500 millions de FCFA, permettant ainsi de gérer les salaires et autres charges sans difficulté. À l’arrivée du nouveau directeur général, cette subvention avait cessé. Les recommandations de l’audit ont exigé immédiatement la fermeture de l’entreprise, sa privatisation ou sa recapitalisation avant décembre 2020. Depuis lors, le Lanavet attend cette recapitalisation décidée par l’État. Cela fait déjà quatre ans que cet actionnaire unique ne réagit pas. Les avancements du personnel et les allocations familiales sont bloqués depuis 2018 la CNPS et les impôts lui réclament plus de 500 millions de FCFA de dettes.
En outre, les retraités, y compris l’ancien directeur général, n’ont pas droit à leurs pensions de retraite. Pour relever la pente, selon une source proche de l’entreprise, des mesures ont été prises pour maintenir l’entreprise à flot. Il s’agit principalement de la réduction des coûts opérationnels et de la relance de la production de vaccins, qui contribuent aujourd’hui à stabiliser l’entreprise en agonie financière. Sa renaissance constitue une bouffée d’oxygène pour la santé animale et surtout alimentaire au Cameroun. En produisant localement des vaccins et des fournitures vétérinaires, le Lanavet contribue à prévenir les maladies animales et à protéger les élevages, un enjeu majeur pour la sécurité alimentaire et l’économie du pays.
RESILIENCE
Entre 2019 et 2023, « les dépenses du Lanavet sont passées de 1,7 milliard de FCFA à 1,3 milliard, tandis que la valeur de la production a augmenté de 24,2%, atteignant 1,3 milliard de FCFA en 2023 », nous souffle notre source interne. La production de vaccins a explosé, passant d’une moyenne annuelle de 20 millions de doses avant 2020 à plus de 35 millions en 2022. Cette hausse de production s’accompagne d’une augmentation des ventes de 15% entre 2019 et 2023. Grâce à la création d’une unité de production de flacons et d’étiquettes, l’entreprise a éliminé sa dépendance aux fournisseurs étrangers, notamment en réduisant à zéro les importations de ces flacons, qui prenaient auparavant six mois depuis l’Inde. Cette initiative contribue ainsi à la stratégie nationale de développement (SND30) du Cameroun.
Selon le rapport sur la situation des entreprises publiques et des établissements publics au 31 décembre 2022, le Lanavet a produit 25 384 450 vaccins pour ruminants, 9 596 450 diluants, 1 949,5 kg de biofertilisants, 5 tonnes d’aliments pour volaille et 406 litres d’azote liquide, enregistrant des hausses respectives de 20%, 25%, 9164,28%, 1462% et 712% par rapport à 2021. De plus, le Laboratoire a comptabilisé 965 effectifs animaux et 7,3 tonnes de production végétale. Les ventes de ces produits ont généré des revenus substantiels : 830 891 500 FCFA pour les vaccins et les diluants, 948 500 FCFA pour les aliments, 900 000 FCFA pour l’azote liquide et 65 000 FCFA pour les souris. En parallèle, 112 593 prélèvements ont été effectués, contre 15 665 en 2021, rapportant 4 811 800 FCFA.
Ces performances ont permis au chiffre d’affaires d’atteindre la barre de plus 955,3 millions de FCFA soit une croissance de 42,82% par rapport à 2021, avec un résultat d’exploitation en hausse de 114%. Cependant, ce résultat a été absorbé par des frais financiers importants, entraînant un résultat net négatif, bien qu’en amélioration de 95,72% par rapport à 2021. Cette situation a eu un impact négatif sur les capitaux propres, qui restent inférieurs à la moitié du capital social de l’entreprise.
Une situation qui perdure
Le Laboratoire qui a été créé en 1983 et érigé en société à capital public depuis 2021 a pour unique actionnaire l’État du Cameroun. Il est placé sous la tutelle technique du ministère de l’Élevage, des Pêches et des Industries animales (Minepia) et sous la tutelle financière du ministère des Finances (Minfi). Ses missions incluent le diagnostic et la recherche en santé animale et zoonoses, la production et la commercialisation de vaccins (à usage humain et animal), de médicaments vétérinaires, de biofertilisants (à usage agricole), ainsi que le contrôle qualité des denrées alimentaires et des médicaments.
Malgré l’importance de ses missions de service public estimées à plus de 650 millions par an, le Laboratoire se retrouve dans une situation financière précaire. Alors que ses besoins sont colossaux, l’entreprise ne reçoit qu’une enveloppe dérisoire de 20 à 60 millions FCFA par an de la part du Minepia. Ce sous-financement chronique a des conséquences directes sur ses activités : ses équipements de production, datant de sa création il y a 44 ans, sont obsolètes et les pièces de rechange sont introuvables, les fabricants ayant cessé leurs activités.
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