Dans une tribune au vitriol, le journaliste et écrivain Jean Bruno Tagne accuse le Conseil constitutionnel et ELECAM de servir les intérêts du pouvoir en place. Pour lui, ces institutions, censées être des arbitres impartiaux, sont devenues des acteurs clés de la mainmise du régime sur les rouages de l’État.
Lire dessous sa tribune:
Cameroun : L’amnésie collective
Le plus grand drame de notre pays c’est la mémoire oublieuse des Camerounais. Une sorte d’amnésie collective qui nous amène à tourner en rond.
Autrefois, parlant de l’histoire oubliée du Cameroun, l’historienne Meredith Terretta parlait d’une forme de « state imposed amnésia » pour expliquer la chappe de silence qui fut posée sur la tragique histoire coloniale du Cameroun. Aujourd’hui, on oublie volontairement. Et on s’émeut de tout, alors qu’il n’y a en réalité rien de nouveau sous le soleil. Notre histoire bégaie dans un insoutenable recommencement.
Pourquoi je le dis ? Il y a quelques jours, violant grossièrement son devoir d’indépendance qu’impose ses hautes fonctions de président du Conseil constitutionnel, Clément Atanga a été filmé en plein jour, crânement assis à une réunion des élites du Nyong et So’o à l’issue de laquelle elles ont chaudement imploré le président Paul Biya (92 ans dont 42 passés au pouvoir) à se représenter pour un nouveau mandat en 2025.
Ces élites lui garantissaient avec le bruit qui caractérise souvent ce genre de folklore villageois partout au Cameroun, une victoire assurée. Devant Clément Atangana. Il n’a pas tremblé. Les mauvaises langues disent même qu’il a applaudit comme tout le monde. Sans casser le corps. Pour lui quoi ?
Il n’est pas le seul à être pris en flagrant délit de concubinage. D’autres membres du Conseil constitutionnel acceptent, sans le moindre remords, des « pointages » un peu partout, en violation flagrante de la loi dont ils sont supposés être les défenseurs.
En réalité, il n’y a rien de nouveau parce que cette connivence entre certains membres du Conseil constitutionnel et le parti au pouvoir ne date pas d’aujourd’hui. Elle avait déjà été démontrée et dénoncée lors du contentieux de la présidentielle de 2018. Et il n’y a rien eu.
Autre institution inféodée au pouvoir : ELECAM.
Pendant que les partis politiques de l’opposition s’échinent à pousser les citoyens à s’inscrire sur les listes électorales, à les réenchanter à la politique, Elections Cameroon effectue, avec zèle, le travail contraire en les désinscrivant. Sans pitié. Là encore, rien de nouveau sous le soleil. C’est une technique de fraude préélectorale éprouvée et décrite dans mon livre Accordée avec fraude. De Ahidjo à Biya, comment sortir du cycle des élections contestées.
Jean-Bruno Tagne
NB : Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position éditoriale de Lebledparle.com.