De passage au Cameroun, le président-directeur général du groupe BGFIBank a annoncé l’intention de sa holding d’entrer en 2025 à la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC). Dans une interview accordée à Investir au Cameroun (IC), le magnat gabonais de la finance présente les contours de cette opération stratégique et partage les ambitions de son groupe. Figure majeure du patronat gabonais, il analyse également l’évolution de l’environnement des affaires au Gabon depuis la transition politique instaurée par les nouvelles autorités de Libreville. Cet échange intervient alors que le milliardaire gabonais vient d’être honoré par le président Paul Biya d’une distinction exceptionnelle : celle d’Officier de l’Ordre national de la Valeur.
IC : Vous avez choisi le Cameroun pour annoncer l’introduction de BGFI Holding à la BVMAC en 2025. Pourquoi le Cameroun et pourquoi 2025 ?
Henri-Claude Oyima : Le Cameroun, parce que c’est le pays siège de la BVMAC où nous ferons l’introduction. Aussi, la veille de cette cérémonie (d’inauguration du siège de la filiale camerounaise), s’est tenu le conseil d’administration de la BVMAC. Dans le cadre du budget de l’année 2025, nous avons fixé au directeur général de cette institution des objectifs pour animer les deux compartiments qui constituent ce marché boursier.
Un de ces compartiments, qui fonctionne très bien, c’est celui des obligations, où nous avons des emprunts obligataires qui sont lancés. Des obligations de trésor et des bons de trésor sont également émis par les différents États.
De l’autre côté, nous avons discuté de la problématique du dépositaire central unique qui est aujourd’hui géré par la Banque centrale (BEAC). Dans le projet de la BVMAC, il est question de créer une société autonome qui sera gestionnaire de ce dépositaire central.
Tous ces projets ne peuvent pas fonctionner de façon efficiente s’il n’y a que des obligations. Il faut donc qu’il y ait aussi des sociétés cotées pour davantage animer le compartiment des actions. À cet effet, nous avons décidé que les principales entreprises de la zone Cemac, dont celles qui sont membres du conseil d’administration de la bourse, doivent montrer l’exemple.
Il faut qu’il y ait beaucoup plus de sociétés cotées pour davantage animer le compartiment des actions.
Maintenant, pourquoi 2025 ? Déjà, il faut savoir que l’introduction de BGFI Holding avait été annoncée pour 2020. Cette année-là, la Covid-19 est survenue et mon conseil d’administration a jugé que le moment n’était pas opportun pour lancer cette opération. Car, dans ce contexte, l’avenir était incertain pour les investisseurs et il régnait une grande peur. Nous avons estimé qu’une initiative d’une telle envergure devait être menée dans un climat plus serein.
Aujourd’hui, la pandémie de la Covid est passée. Alors que nous touchons à la fin de notre programme quinquennal « Dynamique 2025 », nous pensons que le moment est idéal pour concrétiser ce projet. Le principal objectif est de répondre à ce que le conseil d’administration avait adopté. Ce dernier avait décidé d’aller en bourse avec un maximum de 10 % du capital et c’est ce que nous voulons faire. C’est un projet qui avait déjà été mûri en 2020, et nous allons le reprendre là où nous nous étions arrêtés à cette date-là.
IC : En plus d’être le PDG du plus grand groupe bancaire gabonais, vous êtes la principale figure du patronat au Gabon. Comment appréciez-vous l’environnement des affaires depuis l’arrivée des nouvelles autorités de Libreville ? Les entreprises sont-elles sereines ?
Henri-Claude Oyima : Je suis en effet le président de la Fédération des entreprises du Gabon. À ce titre, comme c’est le cas pour toutes les entreprises du monde entier, nous travaillons sur la base de la certitude et de la prévisibilité, qui sont deux éléments essentiels. Lorsqu’il y a eu le changement de régime au Gabon, le président de la transition a invité les entreprises, et c’est quelque chose que nous avons apprécié. Au cours de cet entretien, il était question pour les autorités de rassurer les entreprises sur la continuité du fonctionnement régalien de l’État.
Ce modus operandi des autorités de la Transition, qui se fait de manière forte, rassure les entreprises qui fonctionnent de manière correcte.
Nous observons aujourd’hui que le côté incertitude est évacué et nous sommes rassurés. Pour ce qui est de la prévisibilité, la transition a annoncé un calendrier dont l’exécution se poursuit régulièrement. Tout récemment, une nouvelle Constitution a été votée. Ce modus operandi des autorités de la transition, qui se fait de manière forte, rassure les entreprises qui fonctionnent de manière correcte. Nous continuons de nous renforcer et de poursuivre nos objectifs d’investissements adoptés.
IC : Vous venez de bénéficier du soutien des hautes autorités du Cameroun, matérialisé par trois éléments : le parrainage de la cérémonie d’inauguration du siège de BGFIBank au Cameroun par le chef de l’État, Paul Biya ; sa représentation à cet événement par le ministre d’État, secrétaire général de la Présidence de la République ; et une double décoration spéciale reçue à cette occasion par vous et par le DG BGFIBank Cameroun. Comment interprétez-vous cette marque de confiance de la part de Yaoundé ?
Henri-Claude Oyima : Nous apprécions à sa juste valeur l’intérêt que le président de la République, son excellence Paul Biya, accorde à notre groupe. J’en suis heureux et ne peux que rendre hommage au président Paul Biya pour cet accompagnement. Nous sommes un groupe sous-régional et nous apprécions le soutien des hautes autorités camerounaises qui nous accompagnent et nous renforcent davantage dans notre détermination.
Je pense que la réponse à votre question a été donnée par le ministre d’État, secrétaire général de la Présidence de la République, que nous remercions d’avoir bien voulu présider cette cérémonie. Il a dit dans son allocution que le Cameroun est un pays d’opportunités, attractif, et qu’il invitait toutes les entreprises à venir investir dans son pays et saisir toutes les opportunités pour cela. C’est un message très clair. Moi, en tant qu’opérateur économique, cela me parle. Lorsque vous êtes dans une économie ouverte et qui attire des investisseurs, comment ne pas y être présent ? C’est ce que nous faisons depuis 2010, que nous sommes implantés au Cameroun. Évidemment, nous travaillons ici selon les lois et les règlements nationaux et nous sommes aussi régis par notre régulateur qu’est la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac).
Nous apprécions le soutien des hautes autorités camerounaises qui nous accompagnent et nous renforcent davantage dans notre détermination.
Les autorités camerounaises ont certainement voulu encourager et magnifier cette entreprise de la sous-région qui participe de manière active au développement et aux projets structurants du pays. À notre sens, c’est en écho de nos engagements que le président de la République (Paul Biya) a décidé de soutenir cette action. Il demande aussi aux autres entreprises et banques de suivre notre exemple. D’ailleurs, nous avons l’ambition d’être encore plus forts au Cameroun, où nous avons 13 ans d’existence, et dans les 10 ou 20 prochaines années, nous aurons des parts de marché encore plus importantes.
IC : Vous sortez d’une session du conseil d’administration de BGFIBank Cameroun. Quelles sont les grandes annonces à retenir ?
Henri-Claude Oyima : Nous avons effectivement tenu un conseil d’administration qui était surtout un conseil budgétaire. À cette occasion, nous avons adopté le budget 2025 avec des objectifs bien précis. Il s’agit d’abord de rester sur la ligne définie par le groupe, qui est de faire du Cameroun un des pôles de croissance. À ce titre, dans le cadre du budget 2025, il est question de renforcer notre présence sur les marchés stratégiques, en augmentant nos effectifs et donc nos capacités. Renforcer nos investissements dans le but de soutenir ces efforts, que ce soit au niveau informatique, de la sécurité ou même de l’organisation. Avec le nouveau siège qui vient d’être inauguré, c’est une nouvelle ambition, une nouvelle page qui s’ouvre pour BGFI au Cameroun.
C : Nous sommes à la fin de l’exercice 2024. Quel bilan dressez-vous en termes de performances du Groupe BGFIBank, qui a enregistré un résultat net de 96 milliards de FCFA en 2023, soit une hausse de 55 % en glissement annuel ?
Henri-Claude Oyima : Les états financiers de 2024 seront finalisés en mars prochain. En attendant, concernant les chiffres, je peux vous indiquer que nous sommes en bonne voie pour atteindre cette année un total bilan de 6 000 milliards de FCFA et un résultat net consolidé de 130 milliards de FCFA. S’agissant du Cameroun, nos projections pour 2025 visent un bilan total de plus de 600 milliards de FCFA. Nous serions ravis d’approfondir cette question lors d’un échange plus détaillé avec vous.
IC : Le groupe BGFI est présenté comme un candidat sérieux à la reprise de la filiale de Société Générale Cameroun. Qu’en est-il ?
Henri-Claude Oyima : Autant que je sache, je n’ai pas vu un communiqué de Société Générale annonçant son départ du Cameroun. BGFI ne saurait être candidat à quelque chose qui n’existe pas.
IC : Et si l’opportunité se présente, seriez-vous intéressé ?
Henri-Claude Oyima : Si c’est ouvert, nous apprécierons. Mais pour le moment, le sujet n’est pas à l’ordre du jour.
IC : Il y a quelques années, votre filiale en RDC a fait face à un tourbillon médiatique. Comment se porte-t-elle aujourd’hui, et quelles sont ses perspectives de développement dans ce pays de plus de 100 millions d’habitants ?
Henri-Claude Oyima : Vous êtes nostalgique du passé (rire). BGFIBank RDC évolue aussi dans un pays que nous avons défini comme pôle de croissance, au même titre que le Gabon, la République du Congo, le Cameroun, la Côte d’Ivoire. Ce que nous avons fait en RDC, c’est qu’aujourd’hui, nous nous sommes conformés aux exigences de fonds propres qui sont de 50 millions de dollars.
En RDC, on s’est conformé aux exigences de fonds propres qui sont de 50 millions dollars.
L’autre chose, c’est que nous avons travaillé à être plus présents au niveau des grands centres commerciaux de la RDC. Notamment au Katanga, à Kinshasa et dans la zone Est, à la frontière avec l’Ouganda. Donc, la filiale de BGFIBank en RDC fonctionne normalement à ce jour. La banque suit son programme de développement et nous aurons un aperçu de l’évolution des choses en 2025.
Interview réalisée par Baudouin Enama
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