La décision du gouvernement camerounais de renforcer la collecte de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) et de la taxe locale de développement a suscité une polémique et des critiques au sein de l’opinion publique. Plusieurs analystes locaux dénoncent une ponction supplémentaire sur les revenus des ménages, déjà affectés par la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et une inflation persistante (7,3 % en janvier 2023), bien que celle-ci devrait diminuer à 5,4% en 2024, selon les prévisions officielles.
Les choix n’ont pourtant pas dû être faciles pour Louis Paul Motaze, le ministre camerounais des Finances. À l’instar de nombreux pays à faibles revenus, la première économie de la zone Cemac a dû solliciter l’aide du Fonds monétaire international (FMI) pour faire face à divers chocs extérieurs, entraînant une hausse des coûts d’importation et des difficultés à honorer les engagements en devises.
Pour y remédier, deux accords ont été signés en juillet 2021 avec le FMI, pour un montant global de 689,5 millions $ (432 milliards de FCFA). Ces accords ont été prolongés en décembre 2023 avec un ajout de 145,4 millions $ (91,1 milliards FCFA), puis en janvier 2024, une autre facilité a permis au Cameroun de sécuriser 181,7 millions $ (113,86 milliards FCFA) supplémentaires. Cependant, la signature de ces accords implique la mise en œuvre de réformes complexes.
Dans son rapport 24/237 publié en novembre 2024, le FMI donne des informations qui laissent percevoir que les choix du gouvernement camerounais ont été difficiles. Bien que les autorités aient parfois bénéficié de moratoires, les conditions attachées à ces programmes ont limité les marges de manœuvre en matière de politique budgétaire. Par exemple, l’institution de Bretton Woods prescrit de réduire la capacité de l’État à se financer par la dette. Ainsi, le solde budgétaire primaire hors pétrole doit devenir positif de 95 milliards de FCFA à la fin mars 2025. L’accès à de nouveaux financements extérieurs est également plafonné.
Sur le plan fiscal, la part des recettes non issues de la vente de pétrole brut, c’est-à-dire les recettes fiscales, doit augmenter pour atteindre plus de 4 500 milliards de FCFA en 2025. Entre les restrictions d’endettement, l’obligation de rembourser les arriérés et celle d’augmenter les ressources budgétaires non pétrolières, le gouvernement semblait n’avoir d’autre choix. Le 15 décembre prochain, il devrait être fixé sur l’obtention de nouvelles ressources attendues du FMI.
Au-delà de cette pression macroéconomique, l’élargissement de l’assiette de l’IRPP contribuera à une certaine équité. Selon des données publiées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la part de cet impôt dans le total des recettes fiscales n’était que de 6 % au Cameroun en 2022 contre une moyenne de 16% en Afrique subsaharienne. Aussi, il n’était jusqu’alors principalement acquitté par les travailleurs du secteur public ou privé formel, créant une injustice par rapport à d’autres secteurs d’activité économique, parfois plus rentables.
La bonne nouvelle pour 2025 est que les prix des produits importés devraient continuer de baisser, en raison d’une conjoncture internationale plus favorable et de la diminution d’environ 60% des coûts des frets maritimes. Cependant, face à des prix qui resteront plus élevés que par le passé, et dans un contexte où la qualité des services publics éducatifs, sanitaires et infrastructurels peut encore s’améliorer, le gouvernement devra ajuster son approche et mieux communiquer avec des contribuables de plus en plus attentifs à la qualité de la dépense publique.
Idriss Linge
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