Les données du ministère camerounais des Finances (Minfi) révèlent qu’en 2023, l’enveloppe globale de la dépense fiscale a culminé à 449,4 milliards de FCFA. En baisse de plus de 40 milliards de FCFA en glissement annuel, ces dépenses fiscales représentent 1,5% du PIB du pays, contre 1,8% en 2022. Dans le rapport qui révèle ces chiffres, le Minfi souligne cependant que « toutes les mesures constitutives de dépenses fiscales, qui ont été recensées, n’ont pas fait l’objet d’estimation, les données n’étant pas disponibles pour certaines d’entre elles. Sur un total de 465 mesures recensées, 457 ont été effectivement estimées, soit 98,3% ». En d’autres termes, la dépense fiscale totale consentie par les autorités camerounaises en 2023 dépasse l’enveloppe de 449,4 milliards de FCFA officiellement retenue dans le rapport sus-mentionné.
Selon la définition proposée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), « les dépenses fiscales sont des mesures particulières dérogeant au système fiscal de référence (SFR), qui occasionnent des pertes de recettes pour l’État, dans le but de susciter un comportement économique particulier de la part des contribuables, ou de subventionner certains groupes sociaux ». Par voie de conséquence, complète-t-on au ministère des Finances, « les dépenses fiscales entraînent (…) chez les contribuables un allègement de leurs charges fiscales par rapport à celles qui auraient résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des dispositions fiscales communes applicables au Cameroun ».
Au cours de l’année sous-revue, cet ensemble de mesures dérogatoires prises par l’État pour alléger les charges fiscales des contribuables ont plus profité aux ménages (57,7%) qu’aux entreprises (42,3%), apprend-on. « En 2023, les dépenses fiscales dont ont bénéficié les ménages représentent environ 7,1% des recettes fiscales collectées, alors que celles dont ont bénéficié les entreprises représentent environ 5,2% des dites recettes fiscales », précise le rapport du ministère des Finances.
Ces allègements fiscaux sont principalement effectués sur la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et le droit de douane à l’importation (DDI). Dans le détail, les différentes exonérations de TVA totalisent 177,7 milliards de FCFA en 2023, soit 13,8% des recettes générées par ladite taxe la même année. Quant à la dépense fiscale liée au droit de douane à l’importation (DDI), elle a atteint 152,2 milliards de FCFA au cours de l’année 2023. Cette enveloppe représente 39,4% des recettes générées la même année par le DDI.
Un boulet pour le Trésor public
Par objectif visé, la dépense fiscale consentie par l’État en 2023 a principalement servi à faciliter aux ménages camerounais l’accès aux biens de première nécessité (22,8%). De ce point de vue, dans l’optique de garantir par exemple l’approvisionnement du marché camerounais en riz et de s’assurer que les prix pratiqués par les commerçants sont à la portée de la majorité de la population, le gouvernement camerounais se prive chaque année de 52 milliards de FCFA d’impôts, selon la direction générale des Impôts (DGI) du ministère des Finances. Ces pertes résultent de la taxation à taux réduit (5% au lieu de 20%, après une exonération totale qui aura duré de 2008 à 2016) des importations de ce produit alimentaire, parmi les plus consommés dans le pays.
Au cours de l’année 2023, apprend-on officiellement, la dépense fiscale a également permis de faciliter aux populations l’accès aux soins de santé (6%), à soutenir la consommation (5,6%), ou encore d’accéder aux logements sociaux et aux services d’éducation. « Ce poste est suivi des dépenses fiscales émanant des incitations à l’investissement, avec 25,2%, ensuite vient le soutien au secteur agropastoral (8,6%)», souligne le rapport du ministère des Finances.
Au demeurant, bien que bénéfique aux ménages et aux entreprises, la dépense fiscale reste un boulet pour le Trésor public camerounais, de plus en plus porté vers une mobilisation plus accrue des recettes non pétrolières. Aussi, au sein du gouvernement, songe-t-on de plus en plus à réduire ces allégements fiscaux, voire à les supprimer. Surtout dans un contexte de promotion de l’import-substitution.
« Il sera question (…) pour le gouvernement de procéder à une revue systématique de toutes les dépenses fiscales existantes, en vue de la suppression des exonérations fiscales inefficaces ou peu pertinentes, au regard de l’évolution des politiques publiques. Par exemple, l’accompagnement de la politique d’import-substitution voulue par le gouvernement impose que les exonérations sur certains produits, qui grèvent la balance commerciale et sont ciblés dans le cadre de cette politique, tels que le riz, le poisson et le blé, soient aujourd’hui réduites ou progressivement supprimées », avait annoncé le 5 juillet 2022 le ministre des Finances, Louis Paul Motazé, lors du Débat d’orientation budgétaire (DOB), préparatoire à l’élaboration du projet de la loi de finances 2023.
Brice R. Mbodiam
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