L’État du Cameroun a proposé une enveloppe de 122,64 milliards FCFA pour racheter 58 % des actions de la Société Générale Cameroun (SGC). Cette offre, détaillée dans une correspondance datée du 16 janvier 2025 et adressée au président du Conseil d’administration de la SGC, porte sur l’intégralité des participations détenues par le groupe bancaire français Société Générale, actionnaire majoritaire de la SGC.
Dans cette lettre, le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, demande au Conseil d’administration de considérer cette correspondance comme la déclaration formelle de l’État du Cameroun d’exercer son droit de préemption. En clair, l’État se positionne comme acheteur exclusif des actions mises en vente, en vertu de ce droit qui lui permet de privilégier son acquisition face à tout autre acheteur potentiel.
Une valorisation contestée
L’offre financière avancée par l’État repose sur une évaluation fondée sur le Discounted Dividend Model (DDM), une méthode qui valorise l’entreprise en fonction des flux futurs de dividendes actuels. Cette approche a conduit à une révision à la baisse de la valeur comptable de la Société Générale Cameroun (SGC), la deuxième plus grande banque du pays, dont les fonds propres passent de 142,9 milliards FCFA à 135,3 milliards FCFA, selon le ministère des Finances (Minfi).
Pour justifier cette diminution de la valeur de SGC, le gouvernement s’appuie sur les conclusions d’un audit et d’une due diligence réalisés par Grant Thornton France/Cameroun/Côte d’Ivoire. Ce cabinet international, mandaté par l’État camerounais, a identifié plusieurs ajustements comptables ayant un impact direct sur la valorisation de la banque.
En effet, l’analyse des créances bancaires a révélé que certaines nécessitaient un réajustement de provisionnement conformément aux règles de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac). Cette correction a entraîné une diminution de 7,761 milliards FCFA de la valeur comptable de la banque, en raison des créances douteuses.
L’audit a également mis en évidence un écart entre la comptabilité de gestion et l’inventaire physique des immobilisations de la Société Générale Cameroun (SGC). La réévaluation des actifs immobilisés a conduit à une correction supplémentaire de 1,393 milliard FCFA.
Enfin, la liquidation de YUP Cameroun, la filiale de services financiers mobiles de la SGC, en cessation d’activité depuis septembre 2024, a eu un effet négatif sur la valorisation de la banque. Toutefois, l’État n’a pas précisé l’impact financier exact de cet ajustement. On sait cependant que la SGC, l’État du Cameroun et l’assureur Allianz ont perdu près de 5 milliards FCFA dans la faillite de YUP.
Coris Bank hors course
Il convient de noter que le contenu de la lettre du ministre des Finances contraste avec les informations relayées par la presse, qui annoncent qu’un accord aurait été trouvé entre l’État du Cameroun et le groupe Société Générale pour le rachat de la SGC par la banque burkinabè Coris Bank.
Le groupe bancaire français Société Générale a entamé un désengagement progressif du continent africain depuis 2023. Dans un premier temps, il a annoncé son retrait du Tchad, de la Mauritanie, du Congo-Brazzaville, de la Guinée équatoriale et du Maroc.
Sa filiale marocaine a été reprise par le groupe Saham, tandis que sa division spécialisée dans le crédit-bail, Société Générale Equipment Finance, a été cédée au groupe BPCE (Banque populaire-Caisses d’épargne). En parallèle, son enseigne au Tchad a été rachetée par Coris Bank et celle du Congo-Brazzaville par BGFIBank, après que l’État congolais a exercé son droit de préemption. Il n’est donc pas exclu que le même scénario se reproduise.
Baudouin Enama
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