Le 21 octobre 2024, le siège des Nations Unies à New York a accueilli une réunion du Forum des caisses de dépôt, axée sur la thématique « Mobiliser les ressources financières domestiques au service de la croissance et du développement durable ». Cet événement a rassemblé des dirigeants d’institutions financières d’Europe et d’Afrique, mettant en avant le rôle stratégique des caisses de dépôt dans la promotion du développement durable. La Caisse des dépôts et consignations du Cameroun (CDEC), représentée par son directeur général, Richard Evina Obam (photo), a pris part aux discussions en soulignant les efforts déployés pour soutenir le développement économique et social du pays. Il a déclaré que la CDEC joue un rôle essentiel dans la collecte, la sécurisation et la gestion des ressources financières nationales, transformant celles-ci en financements à long terme pour des projets stratégiques.
Cette conférence s’inscrit dans les initiatives du Forum des caisses de dépôt, qui cherche à contribuer aux réflexions sur le financement du développement via la mobilisation des ressources domestiques. Les échanges ont révélé le potentiel des caisses de dépôt, comme la CDEC, à mobiliser des ressources locales. Ils ont également mis en avant leur capacité à établir des partenariats stratégiques pour soutenir des projets durables et la transition écologique, tant au Cameroun que dans toute la région. La CDEC a été créée par la loi du 14 avril 2008 et organisée par le décret du 15 avril 2011. Les premiers dirigeants, dont Richard Evina Obam, ont été nommés par le président Paul Biya en janvier 2023, à la suite d’une visite d’une délégation du Forum des Caisses de dépôt au Cameroun en novembre 2022. Ces nominations marquent une étape dans le processus d’opérationnalisation de la CDEC, qui cherche à s’affirmer comme un acteur clé du financement du développement national.
Le ministère des Finances précise que la mission principale d’une caisse de dépôt est de collecter et de rentabiliser sur le long terme les ressources souvent considérées comme « oisives », afin de les orienter vers l’accompagnement des politiques publiques. Ces ressources proviennent de diverses sources, telles que l’épargne réglementée et les fonds des caisses nationales de Sécurité sociale. Grâce à différents réseaux de collecte, la CDEC a déjà réussi à mobiliser plusieurs milliards de FCFA. Richard Evina Obam a révélé que le processus de transfert des fonds à la CDEC avait commencé avant le décret du Premier ministre du 1ᵉʳ décembre 2023, fixant une date butoir pour le transfert. Au lendemain du 31 mai 2024, délai fixé par le décret convenu, « une quarantaine de milliards de FCFA » avait été transféré à la CDEC, bien que ce montant soit en deçà des prévisions initiales, avait-il déclaré dans une interview accordée en juillet dernier au quotidien public Cameroon Tribune.
Mobilisation financière
La route vers une mobilisation financière efficace n’est cependant pas sans embûches. Le 11 juillet 2024, la Commission bancaire d’Afrique centrale (Cobac) a recommandé aux établissements financiers de surseoir au transfert des avoirs en déshérence à la CDEC, en raison de l’absence d’un cadre réglementaire spécifique. Cette décision a engendré des tensions, Richard Evina Obam affirmant la souveraineté des États membres de la Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, RCA et Guinée équatoriale) en matière législative. La situation a attiré l’attention des plus hautes autorités. Dans une correspondance datée du 1ᵉʳ août, le secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, a transmis les instructions du président Paul Biya au ministre des Finances, Louis Paul Motaze. Ces instructions invitent le ministre à assurer la poursuite diligente du processus de transfert de fonds.
Pour apaiser les tensions, une réunion a été organisée le 7 août à Yaoundé, présidée par le gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), Yvon Sana Bangui. L’objectif était d’harmoniser le cadre réglementaire au sein de la Cemac. Au cours de cette rencontre, il a été annoncé la création d’un groupe de travail chargé d’explorer des solutions durables pour gérer les dépôts et consignations, en tenant compte des avoirs en déshérence et des comptes inactifs. De son côté, Richard Evina Obam a annoncé des mesures de recouvrement forcé contre les établissements de crédit qui n’ont pas respecté l’échéance légale pour transférer les fonds et valeurs évoluant à son institution.
Il faut souligner que l’arrivée de la CDEC a été perçue comme une « menace » par certains acteurs du secteur financier national, en particulier par les banques qui détiennent la majorité des ressources qui lui sont attribuées. Beaucoup d’établissements bancaires hésitent à déclarer l’intégralité des fonds à transférer, certains se contentant de faire des déclarations partielles. Cette réticence s’explique par la crainte que l’opérationnalisation de la CDEC ne leur fasse perdre un volume significatif de dépôts, ce qui limiterait leurs marges de manœuvre pour les placements de fonds. Certaines estimations avancent qu’environ 20 % des dépôts actuels, soit environ 1 500 milliards de FCFA, pourraient échapper au contrôle des banques, les dépôts totaux s’élèvent à plus de 7 723 milliards de FCFA à la fin décembre 2023, selon les données de la Cobac. Malgré ces préoccupations, le directeur général de la CDEC tente de rassurer en affirmant que l’organisme est un nouveau partenaire au sein de l’écosystème financier national.
Patricia Ngo Ngouem
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