Maryline Alida Atangana N’Gotto, âgée de 27 ans, mère de deux enfants de 8 mois et 10 ans, se retrouve au cœur d’une affaire familiale. Son père, Atangana Atangana Désiré Dieudonné, connu sous le nom de Saint-Désir Atango, est accusé d’inceste. Une vidéo publiée sur Facebook où il avoue des relations sexuelles avec ses filles, dont Maryline, a provoqué l’indignation. Saint Désir a fait ces révélations après son interpellation suite à une plainte déposée par Maryline et sa mère pour agressions sexuelles répétées. Interview exclusive.
Madame Atangana N’Gotto, vous êtes devenue, malgré vous, un visage de cette affaire. Votre père est accusé d’inceste. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour le dénoncer ?
( Un long silence) Je préfère l’appeler Saint Désir. Après tout ce qu’il m’a fait subir, il n’est plus mon père. La peur… J’avais peur d’en parler, peur du jugement, peur que l’on me croie complice de ce sacrilège. Comme une certaine opinion le fait d’ailleurs aujourd’hui. Il était extrêmement violent et menaçait de me tuer si je lui résistais ou si je me confiais.
Pouvez-vous nous décrire ces violences ?
Il me battait avec tout ce qui lui tombait sous la main : machettes, couteaux, branches d’arbre. Il avait même fabriqué un fouet avec des câbles électriques. Il a gâché ma vie et m’a laissée des cicatrices, comme celle que j’ai au front. (Maryline montre une cicatrice à son front). Un après-midi, alors que je jouais avec ma fille de 7 ans, il est entré et m’a murmuré qu’il m’attendait dans sa chambre pour une « visite », son mot codé pour des relations sexuelles. Quand j’ai refusé, il m’a jetée dans le débarras et m’a violée, sous les yeux de ma fille. Ce n’était malheureusement pas la première fois.
Comment cette situation at-elle commencé ?
Il est parti en France quand j’avais 2 ans. En 2014, il est revenu pour des vacances de deux mois et a voulu m’enregistrer en studio ayant constaté que j’aimais chanter. Lors de nos échanges, il m’a demandée si j’étais toujours vierge. J’avais 18 ans et j’ai dit oui. Il s’est réjoui, expliquant que le Conservatoire d’Avignon où il voulait m’inscrire n’acceptait pas les femmes avec enfants. Au début, il se comportait normalement. Mais j’étais intriguée par son apparence, une longue barbe et son refus de serrer la main, même à ses filles, pour ne pas recevoir « d’ondes négatives ». Nous sommes catholiques pratiquantes, pourtant, il nous interdisait d’aller à l’église, qu’il considérait comme un lieu de mensonges et de sorcellerie, et nous a conseillés la pratique du bouddhisme. À l’époque, nous vivions avec ma mère à la Chapelle Obili.
Et ensuite ?
Il est revenu définitivement au Cameroun en 2015. J’avais 19 ans, j’étais en seconde et enceinte de mon premier enfant. Il a insisté pour que mes sœurs et moi vivions avec lui. Ma mère, qui n’a jamais été mariée à lui, mais à qui il avait demandé la main, vivait avec un autre homme avec qui elle a eu un fils. En 2017, nous avons emménagé chez lui. Chacune avait sa chambre.
Et c’est à ce moment que les abus ont commencé ?
En décembre 2018. Je rangeais sa chambre quand il m’a demandé si je pouvais avoir des relations sexuelles avec mon père. J’ai répondu que c’était contre nature, de l’inceste, voire de la sorcellerie. Il a menacé de me violer si je refusais. Le lendemain, il a réitéré sa demande. J’ai refusé. Il m’a jetée sur son lit, entouré de machettes, et m’a violée en me traitant d’égoïste et de lesbienne. Il prétendait que l’inceste n’existait pas entre un père et sa fille, que le premier homme d’une femme était son père. J’avais peur pour moi et pour ma fille. Il menaçait de me tuer mystiquement ou physiquement. Une fois, il a défoncé la porte de ma chambre et m’a violée alors que ma fille dormait à côté de moi. Elle a été témoin de nombreuses violences et il lui arrivait aussi de la frapper. Aujourd’hui elle est traumatisée. Elle a peur de lui et ne supporte pas le moindre bruit. Il lui arrive de faire des cauchemars. J’ai également très peur pour elle.
Vous avez parlé de pactes…
Oui. Saint-Désir nous forçait mes sœurs et moi à tremper notre doigt dans un verre et à dire : « Si je trahis mon père, que je meure ». Un autre jour, il nous a coupé les ongles des pieds, lavé nos pieds et nos visages, puis nous a aspergé de cette eau.
Des rumeurs circulent sur le fait que vous auriez eu un enfant avec votre père…
C’est faux. Mon fils aîné a 10 ans, il est né avant son retour au Cameroun. Mon deuxième enfant a 8 mois, il est né deux ans après que j’ai fui cet enfer. Je suis en couple et nous avons deux enfants. Mon compagnon m’aide à surmonter tout ça. Saint-Désir me demandait souvent pourquoi je ne tombais pas enceinte et disait que si je prenais la pilule en cachette, je ne pourrais jamais avoir d’enfant d’un autre homme. C’est ce que je faisais, je prenais la pilule en secret. Il ne se protégeait pas et après avoir fui j’ai juste fait le test du VIH. Je n’ai jamais été amoureuse de lui, ni jalouse de ma sœur, comme certains le disent. Je suis partie parce que je n’en pouvais plus. J’ai arrêté l’école en classe de Terminale.
Quels sont vos rapports avec vos sœurs ?
Ma sœur aînée, celle avec qui il affirme avoir eu un enfant, ne nous parle plus. Quand je me suis enfuie, je me suis confiée à ma petite sœur, qui avait déjà fui la maison. Elle n’a pas tout vécu. Ma sœur aînée est restée avec lui et le défend. Je ne suis pas surprise qu’il ait eu un enfant avec elle.
Et votre mère, dans tout ça ?
J’ai même voulu me suicider. J’en ai parlé à ma mère, qui a convoqué une réunion de famille il y a 3 ans. Mais personne ne voulait croire. La grossesse de ma sœur a été l’élément déclencheur de notre plainte. Comment vous sentez vous aujourd’hui ? Je me sens mal, j’ai honte, j’ai très peur. Je veux qu’il paie pour ce qu’il a fait. Si je pouvais changer de père, je le ferais !
Propos recueillis par Cathy Yogo sur l’île de Ré