
La Compagnie camerounaise d’aluminium (Alucam) a un besoin « impératif » de recapitalisation. C’est ce que révèle le rapport d’audit de novembre 2024 de la Chambre des comptes de la Cour suprême, rendu public le 10 avril dernier. Après l’examen des comptes de l’entreprise sur la période 2017-2021, les juges concluent que la firme industrielle, détenue à 79,6 % par l’État, nécessite une recapitalisation de 43 milliards de FCFA pour maintenir ses activités. « Afin de lui permettre de remettre à niveau son outil de production de fonderie et de revenir à une production annuelle d’aluminium primaire de l’ordre de 110 000 à 120 000 tonnes », précise la Chambre des comptes.
Cette instance chargée d’auditer la gestion des finances publiques souligne qu’en l’absence d’une recapitalisation par l’État ou d’une entrée au capital d’un investisseur privé, et faute de solution pour enrayer l’accumulation des pertes, il conviendra « d’étudier la solution d’un arrêt de l’activité fonderie ».
Pertes abyssales
Les conclusions de la Chambre reposent sur une analyse détaillée des comptes, mettant en évidence « une situation financière très dégradée ». « La situation financière d’Alucam s’est fortement détériorée entre 2017 et 2021. Alors que son chiffre d’affaires a diminué de 25,5 %, passant de 123,4 milliards de FCFA en 2017 à 91,9 milliards de FCFA en 2021, avec un creux enregistré à 77,8 milliards de FCFA en 2019, son résultat net a été déficitaire à hauteur de 45,6 milliards de FCFA sur l’ensemble de la période, avec trois exercices (2018, 2019 et 2020) fortement déficitaires et un retour à l’équilibre en 2021 après la fusion avec la SOCATRAL », indique le rapport.
Outre cette dégradation, les auditeurs relèvent « une fiabilité des comptes incertaine » , avec des écarts entre les soldes de clôture et ceux d’ouverture d’une année sur l’autre, des anomalies dans la comptabilisation de certains postes, ainsi que des irrégularités dans les rapprochements bancaires.
Par ailleurs, la production d’Alucam a chuté de 53 %, passant de 73 759 tonnes en 2017 à 34 431 tonnes en 2021. Selon la Chambre, « cette baisse continue de la production ne s’est pas accompagnée d’une réduction proportionnelle des coûts fixes, si bien que la contribution de l’activité « fonderie » au résultat de la société, qui était positive en 2017 (+6,3 milliards de FCFA), est devenue de plus en plus négatif, passant de -11,1 milliards de FCFA en 2018 à -37,8 milliards de FCFA en 2021 ».
La Chambre déplore également « la durée excessive » des mandats des cabinets PricewaterhouseCoopers et de la SEACA (cabinet EKOKA), en charge de la certification des comptes depuis 2004.
Après 2021, la situation financière ne s’est pas améliorée. Le dernier rapport des cabinets, portant sur l’exercice 2023, constatait qu’au 31 décembre 2022, les capitaux propres n’avaient toujours pas été reconstitués. En raison d’un écart de réévaluation de 11 milliards de FCFA et d’une perte de 8 milliards de FCFA en 2022, ceux-ci restaient inférieurs à la moitié du capital social. Les commissaires aux comptes notaient qu’« au 31 décembre 2023, les capitaux propres sont encore négatifs (-28,3 milliards de FCFA), compte tenu du résultat net déficitaire de l’exercice (23,6 milliards de FCFA) » .
Leur conclusion rejoignait celle de la Chambre : « Le délai dont disposait Alucam pour régulariser la situation étant écoulé depuis la clôture de l’exercice 2021, nous attirons votre attention sur le fait que tout tiers intéressé pourrait demander la dissolution de la société ».
Des pistes pour sortir de l’impasse
Pour restaurer la compétitivité d’Alucam, la Chambre des comptes recommande au directeur général de céder les actifs non stratégiques (terrains à Douala et Édéa, participations dans des sociétés de services), de proposer de nouveaux commissaires aux comptes après la fin des mandats en cours, et de relancer la fonderie en optimisant les coûts de production et en améliorant la stratégie commerciale.
Il convient de préciser que depuis 2022, l’État du Cameroun est en négociation avec le Fonds international pour la conservation de la nature tropicale (ITCF), le groupe financier franco-allemand BHF et la Banque publique d’investissement (BPI) pour la reconstitution des capitaux d’Alucam. La Commission technique de réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic (CTR), qui a révélé cette information, n’a pas donné de détails sur l’assiette financière recherchée. À date, l’issue de cette négociation reste confidentielle.
En rappel, Alucam a été créé en 1954 suite à une convention entre le gouvernement camerounais et la Compagnie camerounaise de l’aluminium Pechiney-Ugine. En 2015, Rio Tinto Alcan, alors actionnaire majoritaire, s’est retiré du capital, ses parties ayant été rachetées par l’État. En 2020, dans le cadre d’une restructuration, Alucam a absorbé la Société camerounaise de transformation d’aluminium (Socatral).
Ludovic Amara
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