
André Siaka, ancien président du Groupement interpatronal du Cameroun (devenu Gecam), dresse un état des lieux peu reluisant du dialogue public-privé au Cameroun. « Il est donc loisible de constater que, malgré des interventions extérieures, notamment celles de l’IFC (sigle en anglais de la Société financière internationale, filiale de la Banque mondiale dédiée au financement du secteur privé, NDLR) et du FMI, le dialogue, encore moins le partenariat entre l’État et le secteur privé, est resté velléitaire », soutient-il, fort de son expérience de 25 ans au poste de directeur général de ce qui est aujourd’hui la Société anonyme des boissons du Cameroun (SABC) et de son magistère de 12 ans à la tête de la principale organisation patronale du Cameroun. Il s’est exprimé ainsi le 20 mars 2025 à Yaoundé, lors de The Okwelians Summit, une rencontre organisée par le think tank éponyme, fondé par l’avocat d’affaires Jacques Jonathan Nyem.
En effet, pour André Siaka, le Comité interministériel élargi au secteur privé, initié au début des années 2000 par le gouvernement et qui « confinait à une sorte de conseil des ministres auquel le secteur privé était convié », ainsi que le Cameroon Business Forum (CBF), plateforme d’échanges entre le public et le privé lancée en 2009 « sous l’impulsion » de la Société financière internationale, n’ont pas réussi à poser les fondations d’un partenariat public-privé structuré et efficace.
Pour preuve, soutient l’ex-patron des patrons camerounais, « 15 ans après sa première édition, qui s’est tenue en février 2010, il est difficile de faire une évaluation de l’atteinte des objectifs du CBF, tant les indicateurs des objectifs n’ont pas été clairement définis, en dehors du classement du rapport Doing Business, dans lequel le Cameroun a été 167ᵉ sur 181 en 2009, et encore 167ᵉ sur 190 en 2020 ».
« C’est dans ce contexte que la patronat claque la porte du CBF en 2021 et depuis lors, le dialogue entre l’État et le secteur privé est dans l’impasse. (…) La proposition faite à l’époque par le patronat, à savoir la création du Cameroon Business Council (CBC), n’a pas fait sourciller le gouvernement, qui y a réservé une fin de non-recevoir. Depuis lors, les concertations entre l’État et le secteur privé sont devenues velléitaires. En effet, le 29 juillet 2021, le Cameroun s’est engagé dans un programme avec le FMI, programme soutenu par deux accords triennaux (…) Ces accords sont sous-tendus par des conditionnalités. De par l’une de ces conditionnalités imposées par le FMI, le gouvernement s’est engagé à ’’renforcer le format de la concertation entre les secteurs public et privé, en intégrant des groupes thématiques avec des réunions au moins tous les six mois pour suivre la mise en œuvre des recommandations du CBF’’. Cette immixtion du FMI, qui aurait permis de réamorcer la pompe du dialogue entre les secteurs public et privé, n’a pas non plus produit les résultats escomptés », déplore André Siaka.
À en croire ce chef d’entreprise, la difficulté à mettre en place un véritable partenariat entre les opérateurs économiques et l’État tient de ce que « certains acteurs publics » perçoivent le secteur privé « sous le seul prisme de pourvoyeur de ressources pour l’État à travers la fiscalité ». Pourtant, « les enjeux sont de taille et les sorts des deux entités État et secteur privé sont liés : il devient impérieux, si le Cameroun veut réaliser son plein potentiel, qu’un véritable partenariat soit noué entre l’État et le secteur privé, un partenariat allant au-delà du simple dialogue et des rencontres épisodiques, dont on ne retient que la photo de famille et le gala de clôture », indique le promoteur de la société Routd’Af.
Et de poursuivre, traçant à l’occasion la voie à suivre : « ce partenariat doit être un mécanisme institutionnel de collaboration structuré, visant à produire des résultats. Pour qu’il soit fécond, le partenariat requiert la solidité et la fiabilité des superstructures institutionnelles des secteurs public et privé et de leur capacité à définir de manière concertée leurs objectifs communs, les responsabilités de chacune des parties et les mécanismes de suivi-évaluation de la mise en œuvre des engagements des partenaires. Au-delà des rencontres périodiques, qui sont certes importantes mais ne constituent pas une fin en soi, les superstructures institutionnelles de l’Etat et du secteur privé doivent être imbriquées pour devenir un système. Et pour que ce système fonctionne harmonieusement, le partenariat doit avoir pour socle la confiance et la reconnaissance de la légitimité des partenaires».
Brice R. Mbodiam
24-07-2020 - André SIAKA, l’ex-patron des patrons reconverti dans le BTP
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