Lebledparle.com vous propose ci-dessous l’intégralité de la lettre ouverte de Jean de Dieu Momo aux évêques:
Lettre ouverte aux prélats : Appel au respect de la laïcité de l’État et des principes de cohabitation pacifique au Cameroun
Messeigneurs,
Révérends Pères,
Bien chers Prélats,
Comme vous le savez l’Église catholique occupe une place essentielle dans la vie spirituelle, morale et sociale de nombreuses nations, y compris le Cameroun. Toutefois, il convient de rappeler que notre République est fondée sur les principes de laïcité, qui établissent un contrat implicite mais fondamental entre l’État et l’Église.
Ce contrat repose sur un équilibre : l’État ne s’immisce pas dans les affaires religieuses, et l’Église s’abstient de se mêler directement de la politique. Cet équilibre garantit une cohabitation pacifique et respectueuse entre les sphères spirituelle et temporelle, dans le respect des convictions de chaque citoyen.
Les récentes prises de position de certains Prélats, exprimées dans le cadre de l’élection présidentielle de 2025 en gestation, méritent une réflexion approfondie. Lorsque des évêques, figures emblématiques de la moralité et de la foi, se permettent des déclarations qui frôlent l’invitation à la désobéissance civile, voire à la révolte, ils risquent de fragiliser les fondations mêmes de cet équilibre.
Comment un Évêque peut-il dire dans une église » même si c’est le diable qu’il prenne le pouvoir au Cameroun et le reste on verra après! » Comment un Évêque peut-il avoir l’outrecuidance d’inviter le diable au Cameroun au prétexte qu’on a trop souffert et qu’on ne peut souffrir davantage en enfer! Une telle exagération est non seulement blasphématoire mais attentatoire aux fondements bibliques de la religion qu’il est sensé servir. Un évêque ne saurait inviter le diable dans son propre pays!
Ce qui nous conduit à nous demander quel est le rôle de l’Église dans une société laïque?
Votre mission, me semble-t-il, en tant que chefs spirituels, est d’enseigner la morale, la citoyenneté, et le respect des lois. La Constitution camerounaise, qui garantit les droits et libertés fondamentaux, offre à tout citoyen éligible la possibilité de se présenter aux élections, sans considération d’âge. En effet, l’âge avancé d’un candidat, fut-il chrétien catholique confirmé, ne constitue pas un critère d’exclusion selon notre cadre légal.
Dans une démocratie, c’est dans le secret de l’isoloir et dans les urnes que les suffrages s’expriment, et non à travers des déclarations intempestives diffusées dans les médias sociaux ou les télévisions. Votre responsabilité est de rappeler aux citoyens la nécessité de respecter les lois et les institutions, et non de les inciter, même indirectement, à violer la Constitution ou à mépriser les règles démocratiques.
Rappelons-nous toujours que l’État camerounais, garant de l’ordre public et de la souveraineté nationale, dispose d’un pouvoir coercitif pour protéger ses institutions et faire respecter ses lois. Les autorités ont le devoir d’intervenir si des acteurs, religieux ou autres, transgressent les limites fixées par la loi. L’Église ne saurait être au-dessus de ces règles.
Toute atteinte aux fondements de la laïcité expose à des sanctions légales, car aucune entité, même religieuse, ne peut fragiliser la cohésion sociale au nom de la foi ou de la politique. Des exemples dans un passé proche de l’accouchement par césarienne de notre État indépendant doivent à cet égard nous servir de boussole: plus que par le passé, l’Etat ne se déculottera pas devant l’église dont il a librement autorisé l’exercice en son sein, sous réserve du respect du contrat lié à la laïcité de l’État.
C’est fort de ce qui précède que je lance un vibrant appel à la responsabilité morale des Prélats et de tous les Prêtres sur lesquels ils déteignent. Messeigneurs, Révérends Pères, en tant que guides spirituels, vous êtes appelés à être des artisans de paix, non des catalyseurs de tensions.
Le peuple camerounais attend de vous des messages d’unité, de sagesse et de foi, surtout en ces moments cruciaux de veille électorale. Inviter vos ouailles au respect des lois, promouvoir une participation citoyenne active et pacifique sont les responsabilités premières de l’Église dans une République laïque.
En ces temps où les défis socio-économiques sont nombreux, il est impératif que vos voix soient celles de la réconciliation et non de la division. Votre rôle est de rappeler aux fidèles que l’expression de leurs choix politiques doit se faire dans les règles établies par notre démocratie, à savoir lors du scrutin électoral, et non par des déclarations incendiaires.
Je vous invite par conséquent à la neutralité et à la cohabitation pacifique en vertu du contrat qui lie l’État du Cameroun à l’État du Vatican (dont le Pape a également un âge respectable et respecté par l’Etat du Cameroun).
Le Cameroun, riche de sa diversité, aspire à une paix durable fondée sur le respect mutuel. Nous vous invitons à observer la neutralité politique et à concentrer vos efforts sur votre mission spirituelle. En respectant la laïcité de l’État et en honorant le contrat tacite qui lie l’Église à l’État, vous contribuerez à maintenir cette harmonie indispensable pour un Cameroun uni et prospère.
Je comprends que vous êtes par ailleurs des citoyens camerounais et que vous êtes libres de vos opinions politiques: Exprimez-les en privé et non dans les églises ou les synagogues, drapés dans vos toges sacerdotales.
En cette nouvelle année, je fais le vœu que votre action, à l’approche des échéances électorales, soit un exemple de sagesse, de responsabilité et de respect des lois. Car c’est ensemble, dans l’unité, que nous construirons un avenir meilleur pour tous les Camerounais.
Je souhaite à chacun d’entre vous une bonne et heureuse année 2025 et que Dieu notre Seigneur protège le Cameroun et le garde en paix.
Très respectueusement votre bien dévoué et humble serviteur
Momo Jean de Dieu PhD
Fo’o Dzakeutonpoug 1er