On le savait déjà depuis la fin de l’année dernière. 2025 sera l’année au cours de laquelle le Cameroun sera à un tournant historique de sa vie. Une année de tous les dangers, prophétisent certains affabulateurs du dimanche. Et la seule justification que ces derniers donnent est la tenue de l’élection présidentielle plus que jamais certaine qui se prépare dans un contexte difficile et dont le principal point d’ancrage est la candidature du président sortant Paul Biya, que certains veulent forcer à le voir prendre sa retraite. Et Si Paul Biya ne s’est pas encore porté officiellement candidat, dans son message de fin d’année 2024, des chroniqueurs estiment qu’il s’est clairement déclaré à cette élection dans son discours de fin d’année à la Nation. Et comme pour marquer le temps, ce sont les hommes d’église notamment ceux de l’Eglise catholique romaine qui ont donné le clap de départ avec des prises de parole curieuses, s’en prenant de front à l’ordre gouvernant.
De Samuel Kléda, archevêque de Douala à Paul Lontsie-Keune, évêque de Bafoussam en passant par Mgr Emmanuel Dassi Youfang, évêque de Bafia, il y a eu comme une rupture de barrage pour provoquer un tsunami sur toute la République. Pourtant, on se serait attendu que ces membres du clergé attendent la tenue de leur séminaire annuel de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun (Cenc) pour adopter une position commune qui engage l’Eglise catholique romaine qui est au Cameroun. On comprend donc aisément, l’attitude prudente du président de ladite Conférence, l’archevêque de Bamenda, Andrew Nkea Fuanya qui, réagissant à ces sorties désordonnées de ses pairs, en marge des travaux de la Cenc tenus à Buéa du 4 au 11 janvier, estimait que les évêques ne peuvent condamner que les actes répréhensibles, mais pas les personnes. Il insistait particulièrement sur le rôle de l’Eglise en tant qu’instrument de paix et de réconciliation, tout en évitant les attaques personnelles contre les individus. Pour lui, les relations entre l’Eglise et l’Etat sont excellentes au Cameroun et la position des évêques ne peut être connue qu’à travers la conférence épiscopale.
22 points
Et c’est justement cette position qui a été donné le 11 janvier 2025 dans un message des évêques du Cameroun en 22 points. L’on retiendra entre autres points soulevés par les évêques du Cameroun la pression fiscale qui augmente au détriment des populations les plus vulnérables ; le malaise des Camerounais reconnu par le chef de l’Etat lui-même de la mal gouvernance et la mauvaise gestion de la chose publique ; la corruption avec ses corollaires de détournements et de manque de transparence ; le chômage des jeunes ; la crise dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Au sujet de cette crise, les évêques écrivent : « Voilà 7 années que la situation de violence perdure dans le Sud-Ouest et le Nord-Ouest ; serait-ce que ceux qui font la guerre s’enrichissent de manière scandaleuse et souhaitent que la guerre ne prenne jamais fin ? Pourtant il est visible que comme tout conflit, la guerre du Noso est ruineuse et destructive pour notre pays. Elle continue à engendrer des divisions et des rancœurs, des haines et des règlements de comptes. Ne serait-il pas temps pour la classe politique de s’asseoir dans l’humilité et de dialoguer sereinement en pensant à sa responsabilité de conduire notre peuple, notre pays vers le bonheur qui passe par la justice, le pardon et la réconciliation ? »
Les évêques du Cameroun vont conclure leur message par un vibrant appel en appelant à la conscience de chaque Camerounais et au sens de responsabilité de tous par rapport à l’hygiène et la salubrité, non sans réitérer avec force leur engagement à travailler ensemble pour la promotion de la dignité humaine, de la fraternité et de la solidarité entre tous les camerounais, sans oublier les principes éthiques du bien commun et de la subsidiarité. On aurait clairement dit qu’au cours de ce conclave, les évêques rebelles ont été neutralisés.
Libertés démocratiques
On ne le dira jamais assez, depuis toujours, quelques évêques s’expriment de façon véhémente contre la politique du président Paul Biya ou du régime en place. Il ne faudrait donc pas que cela choque tant il est vrai que ce sont les fils de ce pays et qu’ils bénéficient également de la manifestation des libertés démocratiques que l’on doit au président Biya. A ces évêques, l’on notera toutefois, que les égarements et les insuffisances du gouvernement sont criards. Le président Biya l’a reconnu dans son discours à la Nation le 31 décembre 2024. On pourrait donc penser comme le ministre Grégoire Owona : « Ne soyons pas violents envers les évêques même quand ils font l’apologie du diable car le président Biya est contre la violence sous toutes ses formes. Gardons notre sérénité et continuons de travailler en intégrant bien ce qu’on nous reproche pour le corriger. » C’est tout à son honneur.
Neutralité
Seulement, il ne faut pas oublier la place que l’Eglise catholique occupe une place essentielle dans la vie spirituelle, morale et sociale au Cameroun. Toutefois, la laïcité de notre pays aidant, l’Eglise et l’Etat entretiennent des relations d’équilibre en ce sens que l’Etat ne s’immisce pas dans les affaires religieuses, et l’Eglise s’abstient de se mêler directement de la politique. C’est pour cela que les récentes prises de position de certains prélats, exprimées dans le cadre de l’élection présidentielle de 2025 méritent une réflexion approfondie. Lorsque des évêques, figures emblématiques de la moralité et de la foi, se permettent des déclarations qui frôlent l’invitation à la désobéissance civile, voire à la révolte, ils risquent de fragiliser les relations entre ces deux structures. Ainsi, les prêtres et les hommes de Dieu en général, en leur qualité de chefs spirituels, doivent se cantonner à leur mission. C’est à dire, enseigner la morale, la citoyenneté, et le respect des lois.
En tant que guides spirituels, les hommes de Dieu se devraient de se positionner comme des artisans de paix et non des promoteurs de tensions. On attend donc plutôt d’eux des messages d’unité, de sagesse et de foi, surtout en ces moments cruciaux de veille électorale. Par conséquent, ils se devraient de briller par leur neutralité.