Entre janvier et septembre 2024, la Cameroun Development Corporation (CDC), l’agro-industriel public qui exploite des plantations de bananes, de palmiers à huile, et d’hévéa dans les régions du Littoral et du Sud-Ouest, a exporté seulement 22 640 tonnes de bananes. Selon les données compilées par l’Association bananière du Cameroun (Assobacam), cette cargaison est plus de trois fois inférieure aux 75 894 tonnes exportées au cours de la même période en 2016, date du déclenchement de la crise séparatiste qui secoue les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du pays.
En 2017, soit un après le début de cette crise, cette société d’État exportait encore près de 74 000 tonnes à fin septembre, correspondant à une moyenne de plus de 8 000 tonnes de bananes expédiées vers le marché international chaque mois. Avant de disparaître du fichier des exportateurs en septembre 2018, suite aux violences perpétrées sur ses employés par les militants séparatistes, la CDC affichait déjà des exportations de 34 994 tonnes à fin août, soit plus de 12 000 tonnes de plus que les 22 640 tonnes expédiées vers l’international à fin septembre 2024.
Ces données de l’Assobacam traduisent le malaise qui perdure de la CDC, 8 ans après le début de la crise dite anglophone. En effet, les volumes exportés au cours des neuf premiers mois de l’année 2024 par cette unité agro-industrielle révèlent que, malgré le relèvement progressif de sa production, la CDC porte encore de graves séquelles des tensions socio-politiques qui agitent les deux régions anglophones du Cameroun depuis fin 2016.
En effet, avec des pertes cumulées de 38,7 milliards de FCFA entre 2019 et 2021, des arriérés de salaires de 35,7 milliards de FCFA au 30 juin 2023, selon les données de la Commission technique de réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic (CTR), la CDC est de loin l’entreprise camerounaise qui paie le plus lourd tribut des revendications séparatistes en cours dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest du Cameroun depuis 8 ans.
En raison de cette crise, des installations de l’entreprise ont été détruites, des employés assassinés et contraints par les militants séparatistes de déserter les plantations. De ce fait, pas moins de 5 500 emplois ont été vraisemblablement perdus dans cette unité agro-industrielle, qui est le 2ᵉ employeur au Cameroun après l’administration publique. Mais en dépit de cet environnement difficile, la CDC tente de remonter progressivement la pente, grâce notamment à la reprise progressive, à partir de l’année 2021, des activités dans certaines plantations jadis abandonnées du fait de l’insécurité créée par les militants séparatistes.
Début 2019, le directeur général de cette entreprise publique, Franklin Ngoni Njie, estimait à 29 milliards de FCFA l’appui financier nécessaire pour permettre à la CDC de se relever de la crise dite anglophone. Une enveloppe qui peine visiblement à mobiliser l’État, son unique actionnaire.
Brice R. Mbodiam
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