Selon les projections de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac), l’institut d’émission commun aux six pays de la Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad et RCA), au cours de l’année 2025, le taux d’inflation dans la sous-région devrait revenir au seuil de 3% admis dans le cadre des critères de surveillance multilatérale édictées au sein de cette communauté. Le gouverneur de la Beac, le Centrafricain Yvon Sana Bangui, a révélé cette projection le 23 septembre 2024 au siège de la Beac à Yaoundé, au cours de la conférence de presse ayant ponctué la 3è session du Comité de politique monétaire (CPM) de cette banque centrale.
Si cette prévision venait à se réaliser, les poussées inflationnistes auront enregistré un net recul, après trois années de fortes tensions. En effet, au cours de l’année 2022, le taux d’inflation dans la zone Cemac a frôlé le double la norme communautaire de 3%, puisqu’il s’est établi à 5,5%. Ce niveau correspond à une augmentation de près de 4% en glissement annuel, après les 1,6% de l’année 2021. Cette pression sur les prix dans les marchés, officiellement imputées aux effets de la période post-Covid, et exacerbées par le déclenchement, en févier 2022, du conflit russo-ukrainien, s’est poursuivie au cours de l’année 2023. Cette année-la, en effet, les tensions inflationnistes dans la zone Cemac ont même enregistré une légère augmentation, s’établissant à 5,6% à fin décembre, selon les données de la Beac.
Mais, depuis le début de l’année 2024, l’on assiste « à un recul progressif » de cet indicateur, projeté à 4,2% au sortir du CPM de la Beac du 23 septembre 2024. «L’inflation persiste, mais la tendance est baissière», souligne Yvon Sana Bangui, justifiant ainsi l’optimisme de l’institut qu’il dirige, quant à un retour de l’inflation dans les proportions de la norme communautaire de 3% dès l’année 2025. Dans ce sillage, et en dépit des besoins de liquidité observés dans le secteur bancaire sous-régional, avec des sollicitations doublant ces derniers jours les offres de liquidité faite par la Beac aux banques commerciales, au sortir du CPM du 23 septembre 2024, la banque centrale a maintenu inchangés ses principaux taux directeurs. Ceux-ci ont d’ores et déjà été progressivement relevés entre 2021 et 2023, pour restreindre l’accès des établissements de crédit au refinancement via les guichets de la banque centrale.
Epée de Damoclès
Mieux, bien qu’ayant repris ses opérations d’injection de liquidité dans les banques en juin 2024, après plus d’une année de suspension, la Beac poursuit ses ponctions dans les coffres des banques, et s’emploie même, depuis quelques semaines, a réduire de nouveau le volume de liquidité injecté dans les banques, malgré les besoins croissants des établissements de crédit. Toutes ces mesures, qui selon la banque centrale visent à contenir la proportion de l’inflation d’origine monétaire (20%), pourraient cependant être contrariées par la météo des prix dans certains pays de la communauté, et ainsi empêcher l’atteinte de l’objectif de revenir à un taux d’inflation de 3% en 2025.
En effet, une Epée de Damoclès pèse sur la réalisation de cet objectif. Il s’agit de la hausse des prix des produits pétroliers à la pompe, qui est envisagée dans certains pays comme le Cameroun, à l’effet de réduire l’enveloppe de la subvention devenue asphyxiante pour le Trésor public. Après deux réajustements des prix à la pompe en 2023 et 2024, sous la pression du Fonds monétaire international (FMI), il est prévu une 3è hausse début 2025, selon les engagements pris par le gouvernement dans le cadre de son programme économique et financier avec cette institution de Bretton Woods. Le respect de cet engagement devrait impacter le taux d’inflation dans la Cemac, au regard du poids économique du Cameroun dans la sous-région.
En effet, selon les données de la banque centrale, le Cameroun, qui projette un retour de l’inflation dans les proportions de la norme communautaire plutôt à partir de l’année 2026, représente 52% de la consommation dans la zone Cemac. De ce fait, apprend-on, ce pays, qui abrite aussi 40% du tissu industriel de la communauté, « porte la dynamique des prix dans la sous-région ». À ce titre, avec un taux d’inflation qui s’est établi à 6,6% au premier trimestre 2024, le Cameroun a par exemple contribué à 57 points à l’inflation au sein de la Cemac, contre 65,2 points à fin décembre 2023.
Brice R. Mbodiam
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