Après avoir revu à la hausse son offre de liquidité face à la boulimie des banques commerciales, la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), l’institut d’émission des six pays de la Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad et RCA), a procédé le 3 septembre 2024 à une nouvelle opération d’injection de liquidité d’un montant de 250 milliards de FCFA dans le circuit bancaire de la Cemac. Selon les résultats de cette opération publiés le 5 septembre 2024, toute l’enveloppe a été captée par les établissements de crédit, laissant d’ailleurs certaines d’entre elles sur leur faim.
En effet, révèle le communiqué de la BEAC relatif à cette opération, sept banques ont exprimé un besoin global de liquidité de 423 milliards de FCFA, correspondant à un taux de souscription à l’opération de près de 170%. Mais, limitée par l’enveloppe disponible, la BEAC n’a pu leur servir que 250 milliards de FCFA, à un taux d’intérêt moyen de 6,75%. Cette opération de refinancement des banques, survenue au lendemain de l’échec, le 2 septembre, d’une tentative de la BEAC de ponctionner 50 milliards de FCFA dans les coffres des banques, à travers une émission de bons, est la preuve que les banques de la Cemac font face à un grand besoin de liquidité pour financer l’économie.
C’est ce qui semble d’ailleurs justifier la reprise, en juin 2024, des opérations d’injection de liquidité dans les banques, un peu plus d’un an après leur suspension. Dans le cadre d’une politique monétaire austère, qui consistait plutôt à restreindre les marges de refinancement des banques commerciales auprès de la banque centrale, la suspension des injections de liquidité dans les banques a même été accompagnée par une intensification des opérations d’assèchement de la liquidité bancaire. Notamment à travers l’augmentation des volumes de liquidité à ponctionner dans les banques, le lancement des bons de la BEAC pour inciter les établissements de crédit à céder une partie de leur liquidité, ou encore le relèvement progressif des taux directeurs pour renchérir le refinancement des banques auprès de la BEAC.
Les responsables de la BEAC justifient ce durcissement de la politique monétaire dans la Cemac par l’envie de lutter contre la proportion de 20% de l’inflation qui serait d’origine monétaire. En effet, de l’avis de la banque centrale, plus les banques disposent de liquidités pour prêter aux agents économiques, plus cela crée de l’inflation. Ceci dans la mesure où la plupart des produits utilisés dans la Cemac sont importés, dans un contexte de renchérissement des coûts des matières premières et du transport à l’international, depuis la fin du Covid-19 et le déclenchement du conflit russo-ukrainien en février 2022.
L’on peut cependant observer que malgré ce durcissement de la politique monétaire visant à réduire l’accès au financement bancaire, le volume de crédits décaissés par les établissements de crédit de la Cemac n’a pas cessé de progresser. « Les crédits bruts à la clientèle sont ressortis à 11 742 milliards, en hausse de 10,5 % par rapport à décembre 2022 », indique la BEAC dans son rapport d’activités 2023. En effet, révèlent les données officielles sur le crédit, face au durcissement par la BEAC des conditions de refinancement des banques commerciales à son guichet, les établissements de crédit se sont rabattus sur le marché interbancaire, pour se prêter de l’argent entre elles, afin de pouvoir poursuivre le financement des agents économiques.
En revanche, depuis plusieurs mois, l’on note une diminution des tensions inflationnistes sur les marchés, ce qui a amené la BEAC à desserrer l’étau autour des banques, en relançant notamment, dès juin 2024, ses opérations d’injection de liquidité dans le circuit bancaire de la Cemac. L’on peut même observer qu’au fil des mois, l’enveloppe mise à la disposition des banques quasi-hebdomadairement est passée de seulement 50 milliards de FCFA à 250 milliards de FCFA. Ce qui témoigne d’un besoin de liquidité dans les banques. À l’analyse, la satisfaction de ce besoin de financement de l’économie devrait permettre à la zone Cemac de réaliser le taux de croissance de 3,6 % projeté en 2024. Cette projection correspond au niveau le plus élevé de cet indicateur depuis 10 ans, précise le gouverneur de la BEAC, le Centrafricain, Yvon Sana Bangui.
Brice R. Mbodiam
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