L’analyse du sociologue, enseignant-chercheur à la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Dschang.
Etes-vous au courant de la montée du phénomène de vol et consommation de chats et de chiens dans la ville de Dschang ?
Je ne peux l’affirmer de façon péremptoire, surtout en l’absence de chiffres officiels. Cependant, en tant que résident dans la ville et observateur de la scène sociale, il est particulièrement intéressant de constater que les plaintes relatives aux vols d’animaux domestiques, notamment les chats et chiens ne cessent de se multiplier. Face à un tel contexte, il ne serait pas exclu que cette hausse de cas de vols soit liée à une éventuelle augmentation de la consommation de ses espèces animales.
Qu’est-ce qui justifie cette banalisation de la cynophagie non rituelle ?
Même si pour certaines communautés, la cynophagie est perçue avec dégoût, il n’en demeure pas moins vrai que la consommation de la viande du chien, tout comme du chat, prend de plus en plus de l’ampleur au sein de la ville. Cette vulgarisation est due, entre autres, à trois facteurs. Tout d’abord, il s’agit d’aliments ritualistes dont la consommation permet de s’approprier la valeur spirituelle. A titre illustratif, le chat symboliserait le courage, la patience et surtout l’harmonie entre les ténèbres et la lumière. A cet effet, en consommer permettrait de se mettre à l’abri de tout acte de sorcellerie et permet de mettre à nu les personnes qui ont de mauvaises intentions. Ensuite, la vulgarisation de la consommation de la viande du chien et du chat serait également un corollaire de l’inflation galopante qui entraine la difficulté d’accès à la viande de bœufs, dont le coût n’est pas toujours à la portée de tous. Ainsi, dans un contexte de mondialisation alimentaire et d’acculturation, les populations locales en arrivent à démystifier les aliments qui n’étaient pas toujours de leur goût ou de leur identité culturelle et, par le fait même, diversifient leur choix. Dans un tel contexte, les animaux accessibles, notamment ceux domestiques, deviennent une cible de choix. Certains sont d’ailleurs devenus des experts en cuisine de ces variétés de viandes et disposent de recettes particulières permettant de réduire la senteur et rehausser la saveur (messèp, gingembre, clous de girofle, feuilles de papayer, piment, etc.). Baleveng, Tsinfem, Foréké, Tsimbing, Tchoualé, etc. sont des quartiers parmi tant d’autres où les populations peuvent se délecter de cette spécialité. Enfin, consommer le chat ou du chien permet également de combler les besoins diététiques. En effet, à la viande de chien l’on prête des vertus médicinales comme la lutte contre les courbatures, les rhumatismes, la goutte, les maux de ventre, l’impuissance, etc. Campagne de publicité, slogan de vente ou valeur nutritive avérée, seul un expert pourrait l’attester. Que pensez-vous, en général, du droit des animaux chez nous ? Pour obtenir un meilleur avis sur la question, il faudrait se rapprocher d’un spécialiste en droit pénal. Par ailleurs, il ne fait aucun doute qu’autant les propriétaires ont des droits, autant les chats et chiens en ont eux-aussi. Dès lors, le non-respect des droits des animaux ou toute forme de maltraitance envers eux constitue un délit. De ce fait, à la lumière des faits relevés dans notre précédente intervention, il ne fait aucun doute que lesdits droits ne sont point respectés. De même, toutes personnes s’exposant au vol d’un animal seraient tout aussi en infraction.
Comment faites-vous pour préserver la vie de vos propres animaux ?
Je limite les sorties, je restreins les contacts aux membres de la famille, je les fidélise au moyen d’une alimentation équilibrée et régulière et je m’abstiens de tout mauvais traitement.