Des consommateurs, de plus en plus nombreux, volent ces animaux domestiques, les tuent et mangent dans des conditions parfois bruyantes.
Aurélie A., une habitante du quartier Mimgmeto, non loin du marché B de Dschang, a renoué depuis quelques jours, avec la fréquentation des souris. « J’étais propriétaire d’un chat qui avait réussi à éloigner ces rongeurs qui s’attaquent à tout dans la maison. Depuis une semaine, il a disparu ». En fait de disparition, elle soupçonne que le chat a été volé. Car de bandes de gaillards rôdent dans les environs, avec des intentions bien avouées. « Quelques jours avant sa disparition, l’un d’eux m’a même demandé ce que je fais avec un si gros chat », rapporte l’enseignante. « C’est la bonne nourriture », lui aurait lancé le jeune homme. Plus loin, à l’entrée de la chefferie Foto, Jeanne Madefo, une commerçante raconte comment son chien a disparu, une nuit. « J’ai entendu l’animal aboyer. C’est le signe de la présence d’un étranger. Puis il s’est tu. On ne l’a plus revu ». A l’en croire, des prédateurs humains ont des formules physico-chimiques pour étouffer le chien qui aboie avant de l’attraper.
Les histoires de chat ou chien disparu, l’on en entend partout dans la ville. A Tsimbing, Tsinkop, Foréké, Toula Nzong, Nzimpouet, ou à Keuleng… Même plus loin, à Litieu. Comme si Dschang était devenu un antre de barbares, où les animaux domestiques sont massacrés sans scrupule. Chiens et chats ne sont plus en sécurité. Et leurs propriétaires ont de sérieuses raisons de s’inquiéter. Fait constant, personne ne pense à la méchanceté humaine : « ces animaux domestiques sont volés ou tués pour être mangés », peut-on résumer. Dans des maisons closes, parfois aussi dans des espaces ouverts comme les tournedos ou les étals de braise. Les voleurs sont apparemment tout le monde. « Le phénomène de la capture et de la consommation des chats n’est pas nouveau. Mais c’était très limité. Il suffisait parfois que votre chat entre même chez votre voisin pour être étouffé et mis dans la marmite. Mais ça n’avait pas cette intensité », reconnaît un enseignant du Lycée classique de Dschang, interrogé sur la question. Tout y passe : poison lancé dans la cour, pièges tendus la nuit, noyades préparées, etc. Peu importe le risque sanitaire plus tard sur les consommateurs.
Droits des propriétaires et des animaux
Historiquement, lorsque les animaux entrent dans le mode alimentaire des peuples, la tradition veut qu’on commence à les élever pour contrer la courbe de leur rareté. Le comportement de nos mangeurs est aux antipodes de cette attitude de responsabilité. Alors que personne n’ignore la proximité de ces animaux avec leurs propriétaires qui les considèrent parfois comme des membres à part entière de leurs familles, le rôle des chiens dans le maintien de la sécurité autour des domiciles pendant la nuit ou cette traque aux souris organisée par des chats bien doux, ces animaux sont piégés, attrapés et tués, pour être mangés.
Un phénomène grandissant
Cette insensibilité n’émeut encore de manière remarquable aucune autorité, alors qu’il s’agit bien de vol, les animaux attrapés étant bien entendu la propriété de leurs maîtres, qui les ont élevés et dressés pour jouer diverses fonctions dans leurs domiciles. L’heure n’est pas encore aussi à la création d’un syndicat pour la défense des droits de ces animaux, chaque victime se contentant pour l’instant de trouver une solution de rechange à la déstabilisation ainsi créée et assurer la sécurité des nouveaux compagnons. Mais on n’est plus loin d’une organisation des populations en comités de vigilance pour protéger leurs animaux domestiques. Pour beaucoup, il s’agit d’actes de barbarie, qui doivent cesser. Il s’en trouve pour souhaiter des sanctions exemplaires à l’endroit de ces voleurs spéciaux. Encore faut-il leur mettre la main dessus au moment de leur forfait. « Les chasseurs de chats et de chiens doivent être arrêtés et traduits devant la justice », soutient une victime choquée. Au marché de Baleveng, toujours dans la Menoua, il faut faire attention de piquer un morceau de viande dans une marmite, sans s’être renseigné au préalable. Il y a de fortes chances que ce soit de la viande de chien. Dans cette contrée, la cynophagie est ancrée et l’on prête des vertus thérapeutiques et même aphrodisiaques à l’eau extraite de la cuisson de cet animal, qu’on retrouve assez souvent en compagnie des hommes dans les maisons. Sauf que cette viande n’est pas le fruit du vol et qu’elle est cuite par des experts dont l’activité est maîtrisée. Les filières d’approvisionnement aussi. En effet, il existe des collecteurs de chiens, qui vont les vendre dans des marchés spéciaux, comme à Melong.
Autrefois, la consommation du chien et même du chat, était un rite ou accompagnait celui-ci. On assiste à une banalisation de la pratique. Dans la ville de Dschang et ailleurs, c’est autour d’un bouillon de chien que de supposés vétérans, donc de parfaits citadins, finissent leur partie de football, les week-ends. Sur des profils tendancieux des réseaux sociaux, les images du bon rat d’antan sont désormais remplacées par des gigots de chien ou parfois un alignement de plusieurs chats bien rôtis.