Équinoxe Télévision a de nouveau été sanctionnée par le Conseil national de la communication (CNC). Alors que les autorités reprochent à la chaîne une « faute professionnelle », certains observateurs considèrent cette décision comme une nouvelle dérive du CNC.
Aristide Mono, chroniqueur camerounais, a récemment dénoncé sur Meta avoir échappé à un enlèvement à Douala le 11 août dernier, et affirme que des tentatives similaires ont eu lieu autour des locaux d’Équinoxe. Un an plus tôt, le 29 mai 2023, maître Fabien Kengne, avocat camerounais, avait été arrêté brutalement par des agents de la Sécurité militaire alors qu’il quittait les locaux de la chaîne. Les deux hommes, proches de l’opposition, sont régulièrement invités à l’antenne.
Depuis sa création en 2006 par Séverin Tchounkeu, Équinoxe Télévision, basée à Douala, est l’un des rares médias à défier le pouvoir en place, ce qui lui attire régulièrement des sanctions. Le 8 août 2024, le CNC a suspendu l’émission de débats « Droit de réponse » pour « faute professionnelle ». Ce programme, diffusé chaque dimanche, est connu pour ses critiques acerbes du gouvernement. Le directeur de publication du Groupe Équinoxe TV et le présentateur de l’émission, Duval Fangwa, ont été suspendus pour un mois après la diffusion d’accusations présumées non fondées, insinuantes et offensantes lors de l’émission du 7 juillet.
Les plaintes ayant conduit à cette suspension incluent celle de Madeleine Tchuente, ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation, qui se dit injustement accusée de détournement de fonds publics en lien avec le Covidgate. D’autres sources indiquent que la décision du CNC pourrait être une forme de censure, puisque la chaîne s’était déjà conformée aux exigences légales.
En réponse à la suspension, Équinoxe TV a lancé une nouvelle émission, « 237 Le Débat », qui reprend un format similaire à celui de « Droit de réponse ». Toutefois, le 12 août, Joseph Chebonkeng Kalabubse, président du CNC, a ordonné la suspension immédiate de cette émission, la considérant comme un « Droit de réponse déguisé ». En réaction, la chaîne a diffusé une chanson avec le slogan : « Équinoxe Télévision, au-delà de l’image, nous rendons compte », marquée par une estampille « Censuré ». De nombreux internautes ont exprimé leur soutien sur les réseaux sociaux.
Cette récente suspension soulève des questions sur la procédure du CNC, qui devrait prendre des décisions collégiales plutôt qu’individuelles. Selon l’ONG Mandela Center, la répression contre Équinoxe TV reflète la volonté du régime de museler les voix dissidentes.
Les tensions entre Équinoxe TV et le pouvoir ne sont pas nouvelles. En février 2008, la chaîne avait été suspendue sous prétexte de non-paiement d’une caution, peu après avoir diffusé des images d’une manifestation politique contre la révision constitutionnelle permettant à Paul Biya de rester au pouvoir. Plus récemment, en mars 2020, la chaîne avait relayé un rapport de Human Rights Watch sur le massacre de Ngarbuh, entraînant des menaces et accusations de la part du gouvernement.
La suspension de « Droit de réponse » s’inscrit dans un climat politique de plus en plus répressif, marqué par une intensification du contrôle de l’espace public à l’approche des élections présidentielles. Le 16 juillet, le préfet du département de Mfoundi a signé un arrêté interdisant toute personne appelant à la révolte ou à des actions perturbatrices.
Équinoxe TV, qui détenait la première audience au Cameroun en 2020, se retrouve au cœur d’une répression systématique des médias, dans un contexte où la liberté de la presse est de plus en plus menacée, comme le souligne le classement de Reporters sans frontières (RSF).