
La Commission de la Cemac (Cameroun, Gabon, Congo, Tchad, Centrafrique et Guinée équatoriale) prévoit de se doter d’un texte communautaire rendant obligatoire la production des rapports annuels des entreprises publiques (EP) des six pays de la sous-région. Cet engagement a été pris lors d’un atelier régional sur le renforcement de la gouvernance et du suivi des EP, tenu du 3 au 5 mars 2025 à Douala.
Selon Nicolas Beyeme Nguéma, commissaire en charge des politiques économique, monétaire et financière de la Cemac, « ce texte permettra notamment de rendre obligatoire le suivi de la performance des entreprises publiques, la production de rapports annuels, et de définir les concepts et les périmètres en vue d’une harmonisation ». Concrètement, les entreprises publiques, qui ne rendent actuellement compte qu’à leurs conseils d’administration, devront désormais soumettre leurs rapports annuels à l’appréciation de la Commission de la Cemac.
Pour le Pr Viviane Ondoua Biwole, experte en gouvernance publique et développement, cette initiative représente une avancée majeure pour la réforme des entreprises publiques, dont le niveau de performance varie considérablement d’un pays à l’autre dans la sous-région. Elle souligne que cette harmonisation est « une exigence de la bonne gouvernance qui devrait s’accompagner d’une volonté politique des dirigeants pour que ce dispositif soit efficace ».
Une directive soutenue par la Banque mondiale
La nouvelle directive, qui sera élaborée avec l’appui de la Banque mondiale, fait suite aux recommandations du rapport « Renforcer la gouvernance des entreprises publiques dans les pays de la Cemac », publié en juin 2022, et d’un guide sur le suivi de la performance des EP, élaboré en décembre 2023.
Selon Nicolas Beyeme Nguéma, les États de la Cemac ont créé de nombreuses entreprises publiques dans des secteurs stratégiques pour répondre à des défis économiques et sociaux. Cependant, la majorité d’entre elles sont confrontées à des difficultés opérationnelles et financières. « Cela entraîne une dégradation de leur performance, avec pour conséquences des pertes économiques, des revenus insuffisants, une dette croissante et des coûts budgétaires importants pour les États », déplore-t-il.
Défis persistants
Cheick Fantamady Kanté, directeur des opérations de la Banque mondiale pour la Cemac, indique que l’un des principaux défis de ces entreprises est de concilier leurs missions de service public avec l’impératif de rentabilité et de viabilité financière. Un rapport de la Commission technique de réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic (CTR) du Cameroun, publié en 2019, révèle que les 50 entreprises publiques analysées ont enregistré une perte globale de 59,5 milliards de FCFA cette année-là.
Une analyse du Fonds monétaire international (FMI) confirme que les entreprises publiques camerounaises produisent généralement de « piètres résultats ». Non seulement elles ne versent pas de dividendes à l’État-actionnaire, mais elles dépendent largement des subventions publiques, qui représentent 1 % du PIB du pays, selon le ministère des Finances. En outre, leur endettement excessif constitue un risque budgétaire majeur pour le Trésor public.
Pour inverser cette tendance, le gouvernement camerounais préconise depuis quelques années la suspension des subventions et l’orientation des entreprises publiques vers des prêts non souverains auprès de partenaires financiers et d’établissements de crédit. Cette stratégie vise à améliorer leur performance et leur compétitivité.
Frédéric Nonos
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