A compter du 1ᵉʳ janvier 2025, les farines produites au Cameroun à base de maïs, de patate, de manioc et autre banane plantain sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Cette nouvelle mesure contenue dans la loi de finances 2025 de l’État du Cameroun, et confirmée par un document explicatif que vient de publier la direction générale des Impôts (DGI) du ministère des Finances, devrait induire la réduction des prix de ce produit sur le marché de 19,25%, correspondant au taux de TVA applicable dans le pays.
À travers cette mesure que la DGI range dans la catégorie des actions de «promotion de l’import-substitution», le gouvernement camerounais, apprend-on de bonnes sources, ambitionne de doper la production et la consommation des farines locales. Ceci au détriment de la farine de blé, dont la matière première (blé) fait partie, avec le riz, des produits alimentaires les plus importées par le Cameroun, contribuant ainsi chaque année à aggraver le déficit de la balance commerciale du pays.
À titre d’illustration, au cours de l’année 2023, par exemple, bien qu’en baisse de 31,6% en glissement annuel, les importations de blé ont coûté au Cameroun une enveloppe de 178,3 milliards de FCFA, après 260,7 milliards de FCFA en 2022. « En 2023, le Cameroun a importé le blé dans douze pays. La France reste le principal fournisseur de blé au Cameroun, suivie de la Pologne qui fait une montée spectaculaire, de la Russie et de l’Allemagne. La Pologne est le seul pays dont la valeur des importations de blé a augmenté en 2023 (+9%) par rapport à l’année précédente », précise l’Institut national de la statistique (INS) dans le rapport sur le commerce extérieur du Cameroun cette année-là.
Afin de limiter la dépendance du pays au blé importé, notamment pour la fabrication du pain, qui est probablement le produit alimentaire le plus consommé par les populations camerounaises, le gouvernement multiplie des initiatives de promotion des farines locales depuis quelques années. En effet, avant la suppression de la TVA sur ces produits, que vient de consacrer la loi de finances 2025 de l’État, la norme de fabrication du pain au Cameroun a été modifiée.
5 millions de tonnes à produire à l’horizon 2030
Il y a été introduit la possibilité d’ajouter à la farine de blé, jusqu’à 15% de farines issues de féculents locaux. L’objectif étant de substituer, sur le long terme, la farine de blé par les farines locales dans la fabrication du pain. C’est dans cette optique qu’une première session de formation des formateurs à la transformation de farines locales a d’ailleurs été lancée en 2023 par le ministère de la Jeunesse. Ces formateurs sont appelés à former à leur tour, pas moins de 378 jeunes Camerounais à la production de diverses pâtisseries à base de farines locales, apprend-on officiellement.
Toujours en droite ligne des ambitions gouvernementales visant à promouvoir les farines locales, une plateforme des producteurs a vu le jour dans le pays en 2022. Celle-ci vise officiellement une production d’environ 5 millions de tonnes de produits de qualité à l’horizon 2030. Cette projection laisse cependant songeur, au regard du rythme actuel de production de ces farines. Dans son adresse à la nation camerounaise le 31 décembre 2024, le chef de l’État, Paul Biya, a par exemple révélé que 12 800 tonnes de farines locales ont été produites dans le pays en 2024 (à titre de comparaison, 887 400 tonnes de blé ont été importées par le pays en 2023 selon l’INS), dans le cadre du Plan intégré d’import-substitution agropastoral et halieutique, lancé par le gouvernement en 2023.
Par ailleurs, atteindre une production d’environ cinq millions de tonnes en cinq ans implique d’importants investissements à réaliser par les meuniers, dont les usines sont pratiquement toutes actuellement conçues pour écraser le blé, apprend-on de cette corporation. « Si nous devons faire la farine à base de tubercule de manioc, igname, patate ou autre, ces industries devront être révisées ou transformées pour être adaptées à la nouvelle donne », indiquait le secrétaire général du Groupement des industries meunières du Cameroun (GIMC), Alfred Momo Ebongue, dans l’édition du Quotidien Cameroon Tribune du 17 février 2022.
Brice R. Mbodiam
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