Le 11 janvier 2025, au terme du 48ᵉ séminaire annuel de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun (CENC), organisé à Buea, la capitale régionale du Sud-Ouest du pays, les évêques de l’Église catholique ont rendu public un « message » « en rapport avec la situation socio-économique du Cameroun ». Dans ce message adressé aux « prêtres, personnes consacrées, fidèles laïcs, à tous les autres croyants, aux hommes politiques et à tous les hommes et femmes de bonne volonté », les évêques de l’Église catholique au Cameroun dénoncent la gestion de certains pans de l’activité économique par les autorités publiques.
« En 1990, nous avions adressé à tous nos compatriotes une lettre pastorale sur la crise économique de notre pays, dans laquelle nous invitions chacun de nos concitoyens à un examen de conscience face à la situation trop grave de la crise économique que traversait notre pays. (…) Malheureusement, 35 ans après la sonnette d’alarme sur la crise économique, et 65 ans après l’accession de notre pays à l’indépendance, force est de constater que nous continuons de vivre dans le marasme économique et social, et l’incertitude de l’avenir », constatent les 25 évêques signataires du message.
À en croire ces dirigeants locaux de l’Église catholique romaine, « l’une des causes du malaise des Camerounais est sans doute la pression fiscale, qui augmente d’année en année, au détriment des populations des plus vulnérables. Elle est perçue comme un ultime moyen pour asphyxier ceux des Camerounais, dont la faiblesse du pouvoir d’achat est criarde. Les impôts semblent n’exister que pour lesdites couches vulnérables de la société, tandis que les riches n’en seraient nullement inquiétés. (…) Nous nous demandons si un pays ne se construit que et par la fiscalité », s’interroge la CENC.
Fiscalité « confiscatoire »
Pour rappel, les évêques de l’Église catholique romaine au Cameroun ne sont pas les premiers à dénoncer la pression fiscale, qui correspond à la part des impôts dans le produit intérieur brut (PIB) du pays. Le patronat camerounais le fait également sans cesse. Son président actuel, Célestin Tawamba, qualifie d’ailleurs la fiscalité dans le pays de « confiscatoire », au regard du niveau de prélèvements imposés aux entreprises.
Selon le Document de programmation économique et budgétaire à moyen terme 2025-2027, la pression fiscale va encore croître au Cameroun au cours de la période sous revue. Dans le détail, alors qu’elle ressort à 13,6% du PIB en 2024, elle est attendue à 14% en 2025, puis à 14,2% et 14,4%, respectivement 2026 et 2027. L’analyse des données compilées dans ce document élaboré par le ministère des Finances révèle que le taux de pression fiscale annoncé pour 2027 est le plus élevé sur une période de six ans.
Mais, en dépit de la progression de cet indicateur au Cameroun, la Direction générale des impôts (DGI) du ministère des Finances fait remarquer que la pression fiscale dans le pays reste inférieure à la moyenne africaine, encore évaluée à 17,2% il y a quelques années. « Il est généralement admis que la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale doit atteindre au moins 25% pour être significative et engendrer un véritable développement », soutient-on à la DGI.
Corruption
Au demeurant, la pression fiscale n’a pas été le seul pan de la gestion publique à avoir intéressé les évêques de l’Église catholique dans leur message du 11 janvier 2025. Ces prélats dénoncent également la mauvaise gestion des richesses du pays. « Il est pourtant reconnu que le Cameroun est un scandale de bénédiction, de par la richesse de ses forêts et de ses eaux, de son sol, de son sous-sol, etc. Par contre, on assiste à des pillages organisés de notre patrimoine économique. Nous pensons particulièrement au bradage et l’aliénation des concessions minières et agricoles, qui s’effectuent par des accords signés ici et là, de manière très discutable », soutiennent-ils.
Et ces hommes d’Église de poursuivre : « comment expliquer que l’année 2024 s’est achevée avec seulement 446 Km de routes bitumées et 228 Km réhabilités ! En d’autres termes, si le budget voté chaque année pour les infrastructures routières était judicieusement utilisé à cette fin, il y a belle lurette que le Cameroun ne souffrirait plus tant de ce problème. Quand le chef de l’État en appelle à la grande mobilisation pour faire face aux défis persistants, il nous semble que le plus grand de tous ces défis est la corruption, avec ses corollaires de détournements (de deniers publics) et de manque de transparence».
Cependant, au terme du message, la CENC soutient que « la situation socio-économique actuelle de notre pays, si dramatique qu’elle soit, ne doit pas nous laisser aller au découragement. Car, Dieu est avec nous. Et puisqu’il est avec nous, rien ne sera contre nous. Nous vous exhortons à la confiance dans un avenir plus heureux et prospère de notre pays, reposant sur des structures et institutions sociales, économiques et politiques adéquates. Pour y parvenir, nous en appelons à notre responsabilité individuelle et collective ».
Brice R. Mbodiam
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