S’exprimant le 18 septembre 2024 à Douala, la capitale économique du Cameroun, à l’occasion de la « rentrée économique du patronat », Célestin Tawamba, le président du Groupement des entreprises du Cameroun (Gecam), a laissé entendre les inquiétudes des patrons du pays, quant à l’atteinte des objectifs que s’est fixé le gouvernement dans la Stratégie nationale de développement du Cameroun 2020-2030. « Les performances économiques du Cameroun sont en deçà des objectifs qu’il (le gouvernement) s’est fixé dans le DSCE (Document de stratégie pour la croissance et l’emploi) et la SND30 (Stratégie nationale de développement 2020-2030, qui a succédé au DSCE) », constate d’entrée de jeu le président de la principale organisation patronale du pays.
En effet, souligne-t-il, alors que dans le DSCE et la SND30, le gouvernement s’est fixé un objectif de croissance économique de 5,5% en moyenne sur la période 2010-2020, et de 6,6% sur la période 2021-2025, « nous avons réalisé une croissance économique moyenne de 4% sur la période 2010-2020, et de 3,8% sur la période 2021-2023, respectivement ». Ce qui correspond à des écarts respectifs de 1,5% et 2,8% par rapport aux objectifs fixés pour les deux périodes. Face à cet échec dans l’atteinte des objectifs, notamment en ce qui concerne de la SN30, les pouvoirs publics ont souvent excipé la concomitance de la mise en œuvre de cette stratégie avec le déclenchement de la pandémie du Covid-19, dont certaines économies du monde continuent de payer un lourd tribut, 4 ans après.
Mais, l’atteinte des objectifs contenus dans la SND30 n’est pas le seul motif d’inquiétude des patrons camerounais. Il y a aussi la pauvreté et le sous-emploi, qui semblent s’accentuer au fil des années. « Le nombre de personnes en situation de sous-emploi et de pauvreté a considérablement augmenté. (…) Les données de l’INS (Institut national de la statistique) montrent que le nombre de Camerounais vivant en dessous du seuil de pauvreté a progressé de plus de 2 millions de personnes au cours de la période 2014-2021, pour atteindre près de 10,5 millions en 2021 », soutient le président du Gecam.
Comme dans pratiquement toutes ses prises de parole en tant que patron des patrons camerounais, Célestin Tawamba n’a pas manqué de fustiger la fiscalité camerounaise, qu’il qualifie souvent de « confiscatoire », pour exprimer l’importance des prélèvements effectués sur les entreprises par le fisc camerounais. « Le système fiscal demeure pour les entreprises du secteur formel, injuste et oppressif, en raison du taux d’imposition effectif payé. En effet, notre système fiscal conduit à payer des taux effectifs de 60 à 80%, il fait payer l’impôt aux entreprises naissantes, et même à celles qui font des pertes. A cela, j’ajoute des contrôles fiscaux et douaniers fréquents, donnant lieu à des redressements portant sur des montants astronomiques, représentant parfois plusieurs fois le bénéfice et même le chiffre d’affaires… », décrie-t-il.
Plaidoyer pour une pause fiscale en 2025
Mais, en dépit de son réquisitoire sur le système fiscal en vigueur dans le pays, le président du Gecam a évoqué quelques motifs de satisfaction, notamment la digitalisation des procédures, qui facilite la tâche aux contribuables. Par ailleurs, il se satisfait de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) pour les PME, la baisse du taux d’acompte de l’IS sur certaines activités, la clarification des procédures de contrôles douaniers à postériori, la mise en œuvre de mesures incitatives dans le cadre de la politique d’import-substitution, ou encore la mise en place au sein de la direction générale des impôts d’un comité qualité.
Il s’agit, apprend-on, d’un organe ayant vocation « à contribuer à la recherche du juste impôt, lors des contrôles fiscaux et, partant, limiter progressivement les contestations consécutives à ces contrôles. (…) Pour ce qui concerne la prochaine loi des finances (LF), nous émettons le vœu d’une LF 2025 de relance économique, marquée notamment par une pause fiscale, des mesures d’élargissement de l’assiette fiscale qui n’impacteront pas les entreprises déjà fortement taxées, la refonte de la taxe foncière et sur l’immobilier », souhaite le président du Gecam, avant d’évoquer la question de l’émigration massive des compétences camerounaises vers le Canada ces dernières années.
« De janvier à avril 2024, près de 6000 Camerounais ont immigré au Canada, portant à plusieurs centaines de milliers de personnes, le nombre de Camerounais ayant choisi de s’expatrier vers ce pays et bien d’autres, depuis près de deux décennies déjà. (…) le patronat camerounais est particulièrement préoccupé par cette migration massive de nos travailleurs qualifiés. Cette tendance exacerbée par les nombreuses crises que notre pays subit depuis plusieurs années, a des répercussions significatives sur l’économie nationale et notre marché du travail. En effet, le départ de nombreux travailleurs qualifiés employés au sein des entreprises, qui ont en général financé leur formation continue, entraîne une perte de compétences précieuses, et met en péril la compétitivité de nos entreprises », explique le président de la principale organisation patronale du Cameroun.
Brice R. Mbodiam
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