
Selon les projections du Comité de politique monétaire (CPM) de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), l’institut d’émission des pays de la Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad et RCA), l’inflation dans cet espace communautaire devrait culminé à 2,9% au cours de l’année 2025. C’est la première fois depuis l’année 2022 que cet indicateur est projeté en dessous du seuil de tolérance de 3% admis dans cette communauté économique et monétaire.
À en croire le gouverneur de la BEAC, le Centrafricain Yvon Sana Bangui, qui s’exprimait au cours de la traditionnelle conférence de presse de clôture du CPM, dont la première session de l’année 2025 s’est tenue le 24 mars 2025 à Malabo, en Guinée équatoriale, l’embellie ainsi projetée découle de deux facteurs. Il s’agit d’abord des premiers résultats des politiques d’import-substitution mises en place dans certains pays de la Cemac pour freiner les importations massives, qui sont à l’origine de 80% de l’inflation selon la banque centrale. Ensuite, il y a les résultats de la politique monétaire restrictive mise en place par la BEAC dès fin 2021, et qui a consisté à durcir les conditions de refinancement des banques commerciales auprès de la banque centrale, et à durcir les conditions d’accès au crédit dans le secteur bancaire, le tout à l’effet de contenir les 20% de l’inflation qui sont d’origine monétaire, selon la BEAC.
L’embellie annoncée autour de l’inflation a d’ailleurs conduit le dernier CPM de la BEAC à réduire les principaux taux directeurs de cette banque centrale, mettant ainsi un frein à la politique monétaire d’austérité implémentée depuis fin 2021. C’est également la première fois depuis environ trois ans, que l’institut d’émission des pays de la Cemac revoit à la baisse ses taux directeurs, après une stabilité précédée par des augmentations successives. Concrètement, depuis le 24 mars 2025, le taux d’intérêt des appels d’offres (TIAO), qui est le taux auquel les banques commerciales se refinancent auprès de la BEAC, est fixé à 4,5%, contre 5% auparavant. Le taux de facilité de prêt marginal, qui est la rémunération des financements obtenus par les banques commerciales auprès de la BEAC pour une période de 24 heures, passe quant à lui de 6,75% à 6%.
Logiquement, apprend-on des experts des questions monétaires, cette mesure de réduction des taux directeurs de la BEAC devrait se traduire par un accès plus facile des banques commerciales aux financements de la banque centrale, avec pour corollaire une baisse des taux d’intérêts bancaires facilitant par la même occasion aux agents économiques l’accès au crédit. D’ailleurs, dans la perspective de cette dynamique attendue dans le secteur bancaire, avec en ligne de mire le financement des entreprises, qui captent généralement la majeure partie des prêts bancaires dans la zone Cemac, le CPM de la BEAC anticipe une hausse de la croissance économique en 2025. Concrètement, cet indicateur devrait s’établir à 2,9% du PIB, contre 2,6% en 2024, « en lien avec la bonne tenue des activités non pétrolières», dont la croissance est attendue à 3,9% en 2025, contre 3,1% en 2024.
Sommet de crise des chefs d’États
Mieux, au cours de l’année 2025, il est projeté dans la zone Cemac une hausse des réserves de change de 4%, à 7584,9 milliards en FCFA, correspondant à 4,8 mois d’importations de biens et services, contre 4,6 mois à fin 2024. En termes de mois d’importations, ces avoirs extérieurs en devises, qui permettent aux pays de la Cemac d’assurer solidairement leurs importations de biens et services, devraient ainsi retrouver leur niveau de l’année 2023, après des baisses successives. Une fois de plus, le gouverneur de la BEAC met l’embellie projetée sur le compte des premiers résultats des politiques d’import-substitution des États visant à réduire les importations, puis sur le rapatriement effectif des fonds de restauration des sites miniers, pour lesquels un accord est attendu au 30 avril 2025 entre la banque centrale, les pays de la Cemac et les exploitants miniers en activité dans cet espace communautaire.
L’on peut observer que toutes les prévisions optimistes sus-mentionnées surviennent après trois années d’une conjoncture sous-régionale plutôt difficile, marquée notamment par une inflation galopante dans la zone Cemac, une politique monétaire restrictive, une fragilisation du système bancaire et des finances publiques dans certains États, ainsi qu’une baisse des réserves de change ayant souvent amplifié les craintes d’un ajustement monétaire. Cette conjoncture a d’ailleurs conduit, fin 2025 à Yaoundé, à l’organisation d’un sommet extraordinaire de crise des chefs d’États de la Cemac. Au cours duquel une stratégie a été adoptée pour sortir la communauté de la zone de turbulence.
Toutes ces « mesures de redressement doivent être mises en œuvre en urgence. (…) Dans ce contexte particulièrement difficile, notre communauté constitue un atout que nous devons préserver et renforcer. Ce n’est qu’ensemble que nous pouvons surmonter les difficultés actuelles et bâtir de meilleures perspectives économiques et sociales pour nos États et nos populations », avait plaidé Paul Biya, le chef de l’État du Cameroun, dans son allocution de clôture de la rencontre de Yaoundé.
Brice R. Mbodiam
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