L’École supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication (ESSTIC) est en deuil. Jean-François Nguegan, maître de conférences en Sciences de l’Information et de la communication (SIC) à la retraite, nous a quittés le samedi 21 décembre 2024. Dans une sortie, François Marc Modzom rend hommage poignant à cette figure emblématique de cette grande école de l’université de Yaoundé 2, qui a consacré une grande partie de sa vie à former les futurs professionnels des médias.
Lire ci-dessous l’hommage du Directeur de l’Esstic au Pr NGUEGAN :
AU-REVOIR CAMARADE,
Par François Marc MODZOM
Au cœur de la nuit, je repense à nos longues péroraisons à peu près sur tous les sujets Dieu, les Hommes, le monde, l’enfer, Marx, Kim Il Sung, Mao, Fanon, Césaire, Nkrumah, Lumumba, Bokassa, De Gaulle, Mitterrand… Nous étions rarement d’accord, mais cela faisait partie du contrat tacite de nos échanges. Nous parlions pour notre bon plaisir, et non pas pour refaire le monde. Tu étais fasciné par le lion et la panthère, non pas à cause de la férocité supposée de chacune de ces deux bêtes, mais du fait de leur déclinaison mystique, de leur énergie vitale, de leur capacité à retourner les situations à leur avantage.
Toi, le Bamileke de Mbouda, tu me vouais une affection et un attachement rarissime, à moi, l’Eton de Monatele.
Tu étais un frère et un ami loyal. Une qualité tellement déclinante, par ces temps de tribalisme primaire. Toi, le Bamileke de Mbouda, tu me vouais une affection et un attachement rarissime, à moi, l’Eton de Monatele. Tu étais prêt à tous les combats pour me défendre, et ce, partout où cela était nécessaire dans les coulisses de la Maison de la Radio, à l’Université, à l’Académie Olympique où tu m’avais rejoint sur le tard. Tu donnais gratuitement de ton temps et de ton énergie, avec ce ton et cette mine désabusés qui te caractérisaient. Généreux, oui, tu l’étais, mais pas naïf… Tu ne croyais pas à la bonté humaine, bien au contraire. Tu avais expérimenté la félonie et l’ingratitude. Tu avais connu de nombreuses traversées du désert, vécues avec stoïcisme. Avec toi, la vie était une école permanente. Elle édifiait ses élèves que nous sommes, et en appelait à une vigilance de tous les instants. En cela, tu te suffisais dans la peau du Maître, et moi je m’étais habitué à jouer à l’élève attentif et passablement grincheux, selon les circonstances.
Tu n’as plus décroché ton téléphone pour me répondre.
Je te savais malade. Un état que tu gérais avec pudeur et discrétion, pour ne déranger personne. Tu promettais invariablement de revenir « bientôt ». Je me suis alarmé de ton absence lors des dernières soutenances des travaux de fin du cycle de Licence à l’ESSTIC. Cela n’était jamais arrivé.
Tu n’as plus décroché ton téléphone pour me répondre. Et puis tu t’es éteint samedi soir, sans faire de bruit. Nouvelle dévastatrice dans les rangs de notre grande famille Essticienne, et surtout de nos enfants, tes étudiants, qui ont bien perçu le caractère exceptionnel de ta personne et de tes enseignements. Je devrais me plaindre de ce « lâchage ». Mais comment juger Dieu, le Maître Suprême de la Vie, en qui tu croyais? Tu n’avais pas peur de la mort, que tu présentais comme une « simple traversée ». Tu en parlais souvent, comme pour mieux la démystifier. Tu y es à présent, Grand Camarade. Je continue à compter sur toi.