Karine Ramondy, c’est la chercheuse à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, qui a dirigé les recherches d’une commission franco-camerounaise mise en place en 2022 afin de mettre la lumière sur le rôle de la France dans la guerre de décolonisation de ce pays d’Afrique centrale.
Par cette spécialiste de l’histoire de l’Afrique, le rapport de ces recherches effectuées au sein d’une équipe de chercheurs composée de sept Camerounais et de sept Français, a été rendu le 21 janvier à Emmanuel Macron, puis le 28 janvier au président camerounais, Paul Biya, à Yaoundé. Dans une interview accordée au journal française Le Monde, l’historienne affirme que « dès après la seconde guerre mondiale, la France a réprimé politiquement, militairement, diplomatiquement, judiciairement le mouvement indépendantiste, en particulier les militants de l’Union des populations du Cameroun (UPC) ».
Un déracinement organisé
Dans cette répression « de tout l’homme », la méthode consistait à tuer l’âme et l’être des combattants. Sous prétexte de « pacification », elle a organisé le déracinement des populations en les déplaçant dans des camps de regroupement. Les combattants perdaient ainsi tout lien avec leurs familles et leurs proches », a expliqué Ramondy.
Selon elle, les victimes se comptent par milliers au sein de la population et du mouvement indépendantiste.
Un vrai carnage
« En additionnant les différents chiffres fournis par l’autorité militaire française dans les années où la répression est la plus intense, entre 1956 et 1962, il est possible d’estimer ce bilan officiel à 7 500 « combattants » tués, au minimum, par l’armée française. Ce chiffre est très en deçà des réalités et ne prend pas en compte les civils, ceux et celles qui sont morts de leurs blessures, de leurs conditions d’existence précaires en brousse, les disparus, les « fuyards abattus »…
Le bilan le plus plausible reste des dizaines de milliers de morts. L’impossibilité de décompter précisément le nombre de victimes n’est pas propre à la guerre du Cameroun, la plupart des analyses portant sur les conflits de la fin de la période coloniale s’y sont heurtées : le parallèle entre le Cameroun et l’Algérie est particulièrement frappant à ce titre. », a-t-elle déclaré.