Au total, 27 individus désignés comme des « Microbes » ont été interpellés grâce aux efforts conjugués de la police et de la gendarmerie nationale. Deux groupes de ces jeunes ont été transférés à la prison centrale de Kondengui ce lundi 9 juin 2025, en attente de répondre de leurs actes devant la justice. Selon la note d’information du Ministère de l’Administration territoriale (MINAT), 14 d’entre eux ont été placés en garde à vue administrative de 15 jours, renouvelables, à la prison centrale de Yaoundé (Kondengui) ce même jour. Ces arrestations font suite aux incidents du 6 juin dernier au marché Mokolo, dans le 2ème arrondissement de Yaoundé, où ces individus, munis d’armes blanches, ont semé le désordre, dépouillant et blessant des citoyens.
La note du MINAT précise que ces suspects, âgés de 16 à 23 ans, ont été identifiés comme ayant « semé le désordre et la panique » dans un « contexte de criminalité organisée en bande ». Leur transfert à Kondengui a été effectué sur la base de l’arrêté N°001094 signé par le préfet du département du Mfoundi, Emmanuel Mariel Djikdent, le 5 juin 2025.
Le préfet du Mfoundi, Emmanuel Mariel Djikdent, s’est montré résolument déterminé face à la presse, lundi dernier, lors du déferrement des suspects au Groupement de gendarmerie territoriale de Yaoundé. Il a tenu à rassurer les populations, affirmant que « tout sera mis en œuvre pour éradiquer ce phénomène d’insécurité dans la ville de Yaoundé. »
La « plus grande fermeté »

Dans une déclaration sans équivoque, le Préfet Djikdent a martelé : « Le phénomène de microbes sera combattu dans cette ville avec la plus grande énergie, et la plus grande fermeté. Nous n’allons pas tolérer. Et nous lançons une mise en garde sévère à tous ceux qui voudront oser faire le désordre. Vous avez vu la réaction prompte des forces de l’ordre de police et gendarmerie. Nous avons pris 14 sur le champ et avec des recoupements, nous avons encore pris 13 qui sont du côté de la police. Donc une garde à vue, a déjà été signée et ils feront face à la loi. Ce n’est pas le premier coup que nous subissons ici dans la ville. Il y a des velléités, nous allons combattre ce phénomène et il faut appliquer toute la rigueur dès que c’est encore le début pour que les prochains lisent leur avenir dans le traitement actuel de leurs camarades. »
Les individus arrêtés seront poursuivis pour divers délits, notamment « association de malfaiteurs, pillage en bande, trouble à l’ordre public, vol, et autres délits punis par la réglementation en vigueur », ayant enfreint la loi N°90/054 du 19 décembre 1990 relative au maintien de l’ordre et le code pénal (loi N°2016/007 du 12 juillet 2016).
Outre les 14 détenus à Kondengui, la note du MINAT précise que « 13 autres fauteurs de trouble sont entre les mains de la police nationale pour enquête et diligences judiciaires ». Le ministre de l’Administration territoriale a d’ailleurs prescrit une enquête approfondie pour identifier « les présumés commanditaires et auteurs de ces événements restés dans l’ombre », garantissant une « application stricte de la loi et des textes en vigueur » aux résultats de cette investigation.
Un défi complexe aux racines profondes
L’optimisme affiché par les autorités quant à la fin du phénomène des « Microbes » est légitime et nécessaire pour restaurer la confiance des populations. Cependant, une analyse plus approfondie révèle que le problème est multifactoriel et qu’il ne pourra être résolu par la seule répression.
Le phénomène des « Microbes » n’est pas nouveau à Yaoundé. Il a déjà connu des phases de recrudescence et de répression par le passé, mais cela n‘a manifestement pas aidé à l’étouffer. A Douala, la ville qui a vu naitre « les Microbes », la répression a montré ses limites. Au lieu de voir ces jeunes fauteurs de trouble dissuadés, le phénomène a plutôt pris de l’ampleur avec la nette l’impression que les autorités de la ville ont finalement compris que la Capitale économique ne peut plus vivre sans ce phénomène.
De plus, la jeunesse des délinquants interpellés (16 à 23 ans) interroge sur les facteurs socio-économiques sous-jacents. Le chômage des jeunes, la précarité, l’échec scolaire, l’absence de perspectives, mais aussi la consommation de drogues et l’attrait pour l’argent facile sont autant de terreaux fertiles pour ce type de criminalité. Des études sociales et économiques menées dans la ville de Yaoundé ont souvent mis en évidence ces vulnérabilités.
La prévention, au-delà de la répression
Si la fermeté est indispensable pour restaurer l’ordre public et envoyer un message clair aux criminels, une stratégie à long terme doit également inclure des volets sociaux. Des programmes de réinsertion pour les jeunes, un meilleur accès à l’éducation et à la formation professionnelle, la création d’opportunités d’emploi et le renforcement des structures familiales et communautaires sont des éléments cruciaux pour s’attaquer aux racines profondes du problème. La prévention, au-delà de la répression, est un pilier essentiel pour que « les prochains » n’aient pas à « lire leur avenir dans le traitement actuel de leurs camarades », comme le souhaite le Préfet Djikdent.
En clair, la détermination affichée par les autorités camerounaises est un signal fort que le phénomène des « Microbes » est désormais une priorité sécuritaire. Les interpellations massives et la fermeté judiciaire annoncée sont des étapes nécessaires. Cependant, pour que ce phénomène n’ait véritablement « pas de beaux jours devant lui », une approche holistique s’impose, combinant répression et des mesures socio-économiques structurelles pour offrir une alternative viable à une jeunesse désœuvrée et parfois désespérée. Le succès de cette lutte dépendra de la capacité du gouvernement à maintenir cette pression tout en s’attaquant aux causes profondes de la délinquance.