
« Il est impératif d’élargir l’éventail des acteurs contribuant au financement de l’État, en mettant à contribution toutes les forces vives de notre économie, en particulier les compagnies d’assurance, les petits épargnants et les populations non bancarisées ». À travers ces propos prononcés le 13 février 2025 à Douala, au cours de discussions thématiques sur « la mobilisation de l’épargne locale pour financer les projets de développement au Cameroun », Sylvester Moh, le directeur général du Trésor au ministère des Finances, résume la stratégie qu’entend désormais déployer le gouvernement camerounais sur le marché sous-régional des titres publics.
C’est que, confesse ce haut cadre du ministère des Finances, depuis quelques années, les Trésors nationaux de la zone Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad et RCA) ont de plus en plus du mal à mobiliser les financements sur le marché sous-régional des titres publics. En raison de la saturation des banques, qui détiennent jusqu’à environ 80% des titres publics émis sur ce marché pourtant devenu, depuis son lancement en 2011, un important pourvoyeur des financements aux pays de la Cemac. Au fil des années, cette réalité a des conséquences négatives sur le marché. Il en est ainsi, par exemple, du durcissement des conditions du marché et de l’atonie du marché secondaire, sur lequel sont admis d’autres catégories d’investisseurs en dehors des banques.
« Nous constatons, avec une acuité croissante, le renchérissement du coût du financement de notre dette publique, le raccourcissement de la maturité moyenne des titres souverains. Notre système bancaire, aussi résilient et dynamique soit-il, atteint aujourd’hui certaines limites en matière d’engagement sur les titres souverains camerounais. La concentration du portefeuille de la dette dans les bilans bancaires pose un problème structurel : celui de la diversification de notre base d’investisseurs », soutient le directeur général du Trésor au ministère des Finances.
Digitalisation des souscriptions
Afin d’élargir la base des souscripteurs aux titres publics du Cameroun, le gouvernement compte principalement sur une implication plus importante des investisseurs institutionnels, notamment les compagnies d’assurances et les fonds de retraite comme la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS). « Les compagnies d’assurance constituent des investisseurs institutionnels de premier plan, dotés de ressources considérables et d’une vision de long terme. Or, au Cameroun, leur participation au financement souverain demeure encore en deçà de son potentiel optimal. Il est temps de lever les obstacles qui freinent leur engagement. Nous devons encourager la mise en place de produits financiers mieux adaptés, offrant des rendements attractifs, et des instruments de dette compatibles avec les exigences prudentielles des assureurs », affirme Sylvester Moh.
Les autres leviers sur lesquels le Cameroun entend actionner pour garantir ses marges de manœuvres sur le marché des titres publics sont la digitalisation du mode de souscription (une opportunité pour faire participer la diaspora au financement des projets, Ndlr) et l’ouverture du marché à la population non bancarisée. Sur ce dernier volet, a-t-on appris au cours des discussions thématiques organisées le 13 février 2025 dans la capitale économique camerounaise, il est question de capitaliser sur la percée du Mobile Money dans le pays, ainsi que sur les différentes offres des fintechs.
« Si nous voulons démocratiser l’investissement dans la dette publique, nous devons lever les barrières d’accès pour les épargnants individuels. Dans un monde où les transactions financières s’effectuent de plus en plus via des plateformes numériques et des applications mobiles, il est impératif que notre marché obligataire s’adapte. Pourquoi un citoyen lambda ne pourrait-il pas souscrire à un titre public aussi facilement qu’il effectue un paiement mobile ?», s’interroge le directeur général du Trésor.
Brice R. Mbodiam
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