Maxime Eko Eko, autrefois considéré comme l’une des figures les plus puissantes des services de renseignement camerounais, voit aujourd’hui son image ternie par l’un des plus grands scandales de cette dernière décennie au Cameroun : l’assassinat du journaliste Martinez Zogo. De chef des services secrets à accusé dans l’une des affaires les plus médiatisées du Cameroun, son parcours est l’illustration parfaite du célèbre dicton selon lequel, nul n’est au-dessus de la loi.
Un expert en intelligence économique
Né vers 1963 à Bitsok, une petite localité du Cameroun dans l’arrondissement d’Akonolinga, Maxime Eko Eko s’est forgé un chemin qui l’a conduit au sommet des services de renseignement camerounais. Commissaire divisionnaire de police, il est nommé à la tête de la Direction Générale de la Recherche Extérieure (DGRE) le 31 août 2010 par décret présidentiel. Ce service, qui relève directement du président Paul Biya, est chargé des renseignements extérieurs du Cameroun.
Avant de diriger cette institution stratégique, Maxime Eko Eko a connu un parcours académique qui parle pour lui. Titulaire d’un doctorat en sciences de l’information et de la communication de l’Université Paris-Est, Marne-la-Vallée en France, il est spécialisé dans l’intelligence économique. Comme le rappelle Jeune Afrique, sa nomination a été bien accueillie par les cercles spécialisés, car il incarnait un style moderne de gestion du renseignement, avec une vision stratégique qui visait à mettre à jour les méthodes des services de renseignement camerounais.
L’homme d’État derrière le rideau
Marié à Abega Mbezoa, juge au tribunal militaire de Yaoundé, Maxime Eko Eko a construit une vie bien ancrée dans les institutions de l’État camerounais. Sous sa direction, la DGRE a traversé de nombreux défis et scandales, mais son nom est longtemps resté relativement dans l’ombre, protégé par la discrétion inhérente aux services secrets.
Pourtant, sous son mandat, plusieurs événements marquants se sont produits. En 2011, ses agents furent mobilisés pour enquêter sur un vol de bébé dans un hôpital — une mission atypique pour un service de renseignement. En 2012, ils orchestrèrent la capture spectaculaire de Polycarpe Abah Abah, un ancien ministre en fuite. Plus sombre encore, en 2014, la DGRE participa à l’enlèvement et à l’exécution de Mbara Goulongo Guerandi, un ancien capitaine impliqué dans une tentative de coup d’État contre Paul Biya en 1984. Ces opérations, bien que passées sous silence, relatent les méthodes utilisées sous la direction de Maxime Eko Eko.
Maxime Eko Eko (c) Droits réservés
L’affaire Martinez Zogo : le début de la chute
Le 22 janvier 2023, le Cameroun est secoué par la découverte macabre du corps de Martinez Zogo, un journaliste et animateur radio connu pour ses prises de position contre la corruption. Zogo, présentateur de l’émission « Embouteillage » sur Amplitude FM, avait disparu cinq jours plus tôt. Grâce à son émission très suivie, l’homme de médias était devenu une voix critique redoutée qui dénonçait régulièrement les abus et malversations dans les cercles du pouvoir.
L’enquête révèle que Zogo a été enlevé, torturé, et tué dans ce qui apparaît comme une tentative de « le faire taire ». Les investigations pointent rapidement vers Justin Danwe, ancien directeur des opérations de la DGRE, qui confesse avoir supervisé cette opération sur ordre de son supérieur direct : Maxime Eko Eko. Ce lien avec l’assassinat de Zogo plonge Eko Eko dans l’œil du cyclone. Le 29 février 2024, il est officiellement inculpé pour « complicité de torture ». Sa chute, rapide et brutale, emporte avec elle la réputation de la DGRE, qui se retrouve sur la sellette.
Un nouveau patron à la tête de la DGRE
L’implication directe de Maxime Eko Eko dans cette affaire jette un voile sombre sur la DGRE, autrefois perçue comme un rempart contre les menaces extérieures au Cameroun. L’opinion publique, choquée par la brutalité des faits, demande des comptes, et le système judiciaire camerounais est obligé de réagir. Pour tenter de redresser la barre, un nouveau directeur est nommé à la tête de la DGRE en décembre 2023. Il s’agit de Jean Pierre Robins Ghoumo, un civil, diplômé de l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC). Son arrivée marque une rupture avec les traditions, la DGRE ayant toujours été dirigée par des militaires ou des policiers de carrière.
Les protestations de Maxime Eko Eko
Lors d’un récent procès en juillet 2024, Maxime Eko Eko décide de sortir de son silence. Il dénonce des « incohérences » dans la procédure judiciaire. À la barre, il accuse les autorités judiciaires de lui refuser l’accès à certaines pièces du dossier, ce qui compromet sa défense. « Mon conseil et moi-même voulons entrer en possession de ces pièces pour exploiter et mieux organiser ma défense », a-t-il ajouté. Il va plus loin en affirmant qu’il est le « premier chef de service de renseignements au monde à comparaître devant un tribunal de droit commun tout en étant en détention ».
Malgré ses protestations et les tentatives de ses avocats pour obtenir des documents supplémentaires, la justice camerounaise maintient sa position. La Cour d’appel du Centre rejette la requête. Elle indique que celle-ci est mal fondée en l’état actuel de la législation camerounaise.
Une institution en crise, un homme déchu
Le destin de Maxime Eko Eko est désormais scellé par ce procès, qui continue de tenir en haleine l’opinion publique camerounaise. Son nom, autrefois synonyme de pouvoir et d’autorité, est aujourd’hui associé à la violence et aux abus des services de renseignement.
La DGRE, quant à elle, doit redorer son image après cette rocambolesque affaire qui a affecté sa réputation. La nomination de Jean Pierre Robins Ghoumo est perçue comme une tentative de réforme, mais l’héritage des abus sous Maxime Eko Eko pèse lourd. Le scandale de l’assassinat de Martinez Zogo est loin d’être clos, et les retombées continueront sans de façonner la perception des services secrets camerounais pour les années à venir. A moins que l’ex patron de la DGRE dans un retournement de situation invraisemblable dont seul le Cameroun a le secret, se retrouve acquitté.