Par Henri Kouam, expert en politiques publiques,Directeur du CEPI
Dans ses dernières Perspectives économiques mondiales, le FMI a salué le Cameroun comme l’un des rares pays qui continue d’investir tout en réduisant le fardeau de sa dette. C’est une bonne chose, mais la réduction du fardeau de la dette n’est pas suffisante pour faire baisser notre taux d’emprunt sur les marchés internationaux. Entre-temps, Fitch Ratings a attribué au Cameroun la note « B » avec une perspective négative. Dans cet article, nous examinons les principaux facteurs de la notation du Cameroun et proposons trois stratégies pour améliorer sa notation à long terme.
Croissance résiliente du PIB : Fitch prévoit que l’économie camerounaise connaîtra une croissance de 3,9 % en 2024 et de 4,1 % en 2025, contre une estimation de 3,3 % en 2023. Comme la production de pétrole diminuera en 2024 et 2025, la croissance sera tirée par les secteurs non pétroliers, notamment l’agriculture, la sylviculture et les infrastructures de transport et d’énergie, stimulées par d’importants investissements publics. Les risques de détérioration découlent de la reprise des pressions inflationnistes, de la volatilité des prix mondiaux des produits de base, de la baisse de la demande extérieure de la part des principaux partenaires commerciaux, de la faiblesse de la mise en œuvre des projets et de la persistance des risques en matière de sécurité.
Position extérieure : le déficit du compte courant du Cameroun diminuera légèrement et la baisse prévue des exportations de pétrole sera partiellement compensée par des exportations à plus forte valeur ajoutée soutenues par des politiques visant à promouvoir les exportations non pétrolières et la substitution des importations. Deuxièmement, la position de réserve de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale s’est renforcée en 2023, atteignant 11 milliards USD à la fin de l’année, couvrant 4,9 mois d’importations, en raison de l’augmentation des recettes d’exportation de pétrole et d’un meilleur respect de la réglementation des changes.
La CEPI applaudit les réformes visant à améliorer la capacité de paiement de la dette, telles que la mise à disposition plus rapide des ordres de transfert à la banque centrale régionale (BEAC) et l’amélioration de la communication et de la coordination entre tous les intermédiaires.
Dynamique du déficit budgétaire du Cameroun en 2024
Le déficit budgétaire tombera probablement à 0,5 % en 2025, en raison de la baisse des prix et de la production de pétrole, mais les recettes non pétrolières augmenteront en raison des mesures administratives relatives aux recettes, de la numérisation des processus et des réductions des exonérations fiscales. Malgré cela, le déficit de trésorerie devrait se creuser en raison d’un secteur public hypertrophié et d’investissements importants dans les infrastructures.
Options de financement limitées
Les besoins de financement du Cameroun pour le budget augmenteront à nouveau en 2024 en raison de déficits de trésorerie plus importants. En conséquence, le CEPI prévoit que l’amortissement de la dette extérieure atteindra en moyenne 1,9 % du PIB en 2024 et 2025, y compris un paiement d’euro-obligations de 0,1 % du PIB par an. Cependant, la dynamique des réformes permettra de libérer les fonds du FMI dans le cadre du programme actuel du Cameroun.
Les élections pourraient ralentir les réformes
Le Cameroun entrant dans une année électorale, la crédibilité et la durabilité des réformes et des plafonds de dépenses seront mises à l’épreuve, d’autant plus que les élections pourraient ralentir la mise en œuvre des réformes, notamment la réduction des subventions aux carburants (budgétisée à 0,6 % du PIB en 2024, contre 3,7 % en 2022), par des augmentations supplémentaires des prix à la pompe, après 15 % en 2024 et 21 % en 2023.
Programme du FMI pour le Cameroun
En 2024, le FMI a conclu la cinquième revue au titre de la facilité élargie de crédit/mécanisme élargi de crédit, déboursant 0,2 % du PIB du Cameroun. L’approbation de la prolongation de 12 mois signifie que le Cameroun doit et devrait faire plus pour accélérer la mise en œuvre des réformes. Le Cameroun a approuvé la prolongation de 12 mois des programmes jusqu’en juillet 2025 (0,4 % du PIB), ainsi qu’un accord de 183 millions de dollars (0,6 % du PIB) au titre de son mécanisme de résilience et de viabilité. Cependant, le Cameroun est confronté à une flexibilité limitée en matière de financement intérieur.
Qu’est-ce qui pourrait entraîner une révision à la baisse de la notation ?
Une nouvelle accumulation d’arriérés extérieurs et/ou des pressions accrues sur les finances publiques et le financement extérieur pourraient avoir un impact négatif sur les finances publiques et la position extérieure du Cameroun.
Deuxièmement, une instabilité politique accrue ou des menaces sécuritaires, en particulier si elles sont importantes, pourraient avoir un impact sur l’activité économique et l’accès au financement. Si la crise anglophone persiste, le Cameroun paiera involontairement plus cher lorsqu’il empruntera sur les marchés internationaux.
Une augmentation marquée et soutenue de la dette publique/PIB, par exemple, en raison d’un creusement du déficit budgétaire dû à des pressions sociales ou sécuritaires ou à une croissance plus faible du PIB, pourrait aggraver les finances publiques et entraîner une révision à la baisse de la notation.
Ce qui pourrait améliorer la cote de crédit du Cameroun
Finances publiques: Améliorations soutenues de la gestion des finances publiques suffisantes pour renforcer la confiance dans la capacité du Cameroun à prévenir l’accumulation d’arriérés extérieurs et à obtenir des financements extérieurs en temps voulu.
Structures: une atténuation significative des risques politiques et sécuritaires, par exemple, comme en témoignent la réduction des risques liés à la succession présidentielle ou l’amélioration des indicateurs de gouvernance.
Macro: Amélioration des perspectives de croissance à moyen terme qui se traduit par une augmentation significative du PIB par habitant, par exemple à la suite de la mise en œuvre de réformes qui améliorent le climat des affaires et diversifient l’économie.
Recommandations
Le gouvernement devrait améliorer la gestion de la trésorerie en limitant le recours aux interventions directes de la Société nationale des hydrocarbures et aux procédures de dépenses exceptionnelles, telles que le plafonnement des avances de trésorerie sans allocation budgétaire à 15 milliards de francs CFA par trimestre. Cependant, les risques sécuritaires pourraient entraîner des dépenses non planifiées.
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