
Lors de l’inauguration du 2ᵉ terminal à conteneurs du port en eau profonde de Kribi, le 9 mai 2025, l’ombre du mauvais état de la route entre Edéa et Kribi, ainsi que la mise en berne du projet de construction d’une ligne de chemin de fer desservant cette cité balnéaire, a plané sur la cérémonie. En effet, au cours des différentes allocutions, les acteurs majeurs de la place portuaire ont présenté la réalisation de ces deux projets, annoncés depuis des années sans concrétisation, comme une condition indispensable à l’exploitation optimale du port en eau profonde de Kribi.
« Lorsque Kribi sera relié à Edéa par une belle route et une belle voie ferrée, le port de Kribi pourra rejoindre les ports millionnaires en Teus (conteneurs) », a par exemple déclaré Nicolas Sartini, vice-président de Mediterranean Shipping Company (MSC), premier transporteur de conteneurs dans le monde. Ce groupe italo-suisse, qui a racheté les actifs africains de Bolloré dans le transport et la logistique en 2022, est surtout, à travers Africa Global Logistics (AGL), l’actionnaire de référence de Kribi Conteneurs Terminal (KCT), l’entreprise qui exploite les terminaux à conteneurs du port en eau profonde de Kribi.
Comme pour illustrer la place que la plateforme portuaire de Kribi occupe désormais dans les échanges commerciaux internationaux, MSC a intégré le port de cette cité balnéaire dans sa nouvelle ligne maritime baptisée Africa Express. Cette ligne, sur laquelle l’armateur italo-suisse a positionné ses plus grands navires porte-conteneurs, permet désormais de relier directement l’Asie à la côte ouest-africaine. Avec pour objectif, apprend-on effectivement, de contribuer à l’intensification des échanges commerciaux entre l’Asie et l’Afrique, devenus de plus en plus importants ces dernières années. Mais, pour profiter de manière optimale de cette nouvelle ligne maritime, la réhabilitation de la route Edéa-Kribi — une autoroute annoncée depuis des années — ainsi que la construction effective d’une ligne ferroviaire sont jugées indispensables, souligne également Patrice Melom, directeur général du Port autonome de Kribi (PAK), l’entreprise publique chargée de la gestion du port.
« Je m’en voudrais de ne pas saisir l’occasion qui m’est donnée ici pour porter à votre haute attention quelques préoccupations qui émanent des acteurs de la place portuaire de Kribi, et qui, nous le savons, trouveront rapidement une solution grâce aux multiples actions que vous avez bien voulu entreprendre à cet effet. Il s’agit de la desserte du port de Kribi, laquelle constitue une condition rédhibitoire à l’atteinte des prévisions si reluisantes antérieurement. À ce titre, nous appelons de tous nos vœux la mise en œuvre effective de nombreuses initiatives déjà prises par le gouvernement, à l’instar du bitumage de l’axe Ebolowa-Kribi, de la réhabilitation complète de la route Edéa-Kribi, et du lancement effectif du chemin de fer Edéa-Kribi… », a-t-il souhaité, en s’adressant au ministre des Transports, qui a présidé la cérémonie de mise en service du 2ᵉ terminal à conteneurs.
Déjà 15 000 emplois créés
Dans ce plaidoyer des acteurs pour le désenclavement du port en eau profonde de Kribi par des infrastructures routières et ferroviaires adéquates, Philippe Labonne, président d’AGL, a plutôt tendre la main au gouvernement camerounais. « Nous pouvons financer cette zone industrielle, et même le chemin de fer », a laissé entendre ce dirigeant, dont le groupe est déjà partenaire de l’État du Cameroun dans le développement de la zone industrielle-portuaire de Kribi. En effet, en plus de KCT, AGL est également l’actionnaire de référence de Camrail, le transporteur ferroviaire camerounais, et concessionnaire du chemin de fer dans d’autres pays africains.
Opérationnel depuis mars 2018, le port en eau profonde de Kribi est crédité d’un tirant d’eau de 16 mètres, ce qui en fait l’une des infrastructures les plus stratégiques sur la côte ouest-africaine. Doté dans un premier temps d’un terminal à conteneurs long de 350 mètres et d’un terminal polyvalent, l’infrastructure, dans sa première phase, a coûté environ 250 milliards de FCFA. Dans le cadre de la 2ᵉ phase de sa construction, le port a été doté d’un deuxième terminal à conteneurs long de 715 mètres, permettant de tripler les capacités de traitement des conteneurs, passant de 300 000 à environ un million de Teus par an. Le coût de cette autre phase s’élève à environ 400 milliards de FCFA. Une 3ᵉ phase permettra de doter cette infrastructure portuaire de deux autres terminaux : l’un minéralier, l’autre dédié aux hydrocarbures.
En sept ans d’activités, la plateforme portuaire de Kribi a officiellement permis à l’État du Cameroun de capter plus de 200 milliards de FCFA d’investissements directs étrangers (IDE), de collecter plus de 1200 milliards de FCFA de recettes douanières, pour 60 millions de tonnes de marchandises traitées. Selon le PAK, depuis sa mise en service, Kribi représente également un tiers du trafic conteneurisé national, l’un des premiers ports de transbordement des conteneurs à destination de Douala, et 15 000 emplois créés, dont 10 000 indirects . Autant de chiffres qui devraient être revus à la hausse au cours des prochaines années, et encore davantage grâce au désenclavement du port de Kribi.
Brice R. Mbodiam
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