
Le Gabon et le Tchad ont été les principaux contributeurs aux réserves de change de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (Cemac) en 2024. La balance nette des transactions courantes, bien qu’en recul par rapport à 2023 (7,9 %), reste positive à 6,8 % du produit intérieur brut (PIB) de la région, selon des données publiées par la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC). Le solde pour le Tchad, également en baisse, a atteint 3,3 % de son PIB.
Cela signifie simplement que, parmi tous les pays de la sous-région, ces deux-là sont ceux qui ont finalement le moins consommé les devises générées par leurs économies. Les transactions courantes avec l’international sont, pour une économie, un indicateur plus pertinent de la situation nette des devises générées, car elles vont au-delà de la balance commerciale (biens et services) pour prendre en compte les paiements de facteurs (dividendes et intérêts aux investisseurs) et le solde des transferts nets entre les frontières internationales.
Pour le reste des pays de la Cemac, la situation a été déficitaire. Le Cameroun, bien qu’ayant connu une amélioration, affiche un solde négatif de -2,9 % du PIB (-4,3 % en 2023). Le Congo, qui demeure l’une des principales sources de devises de la sous-région grâce à son pétrole, a consommé toutes ses devises, et même au-delà, enregistrant un solde négatif de 10,3 %. Quant à la République Centrafricaine, elle présente un solde négatif de 10,8 %. En Guinée équatoriale, le déficit s’est creusé, atteignant -5,2 % du PIB.
Cette information est essentielle, car en décembre 2024, le Gabon et le Tchad avaient été particulièrement interpellés en raison de leur absence de programme avec le Fonds Monétaire International (FMI), un programme censé accélérer les réformes économiques de la Cemac. Ils étaient également critiqués pour le fait que le niveau des réserves de change de la sous-région ne couvrait que 4,3 mois d’importations, bien en deçà du minimum de 5 mois requis selon les standards du FMI pour les pays dépendants des ressources naturelles.
Dans le cas du Gabon, la décision de refinancer une partie de son Eurobond (payable en devises), alors que l’alerte avait été donnée sur la situation des réserves de change, faisait l’objet de discussions dans les médias et au sein des milieux politiques. À Libreville, on rappelait officieusement que ces paiements étaient inévitables et qu’en fin de compte, cet emprunt avait, à un moment ou à un autre, renforcé les réserves de change, au bénéfice de tous..
En effet, en tant que zone économique et monétaire commune, l’ensemble des six pays de la Cemac possède un stock de réserves de change communes, qui reçoit les paiements internationaux effectués à leur égard ainsi qu’à leurs agents économiques, et permet d’effectuer des paiements à l’extérieur.
Avec une production pétrolière en baisse depuis des années et l’économie la plus importante et la plus diversifiée, le Cameroun est le principal consommateur de ces réserves de change, hors dons et avoirs du FMI (DTS). Tandis que le Congo et le Gabon, qui produisent beaucoup de pétrole pour une population plus modeste, sont les principaux contributeurs en termes de revenus extérieurs.
Les données finales de l’année 2024 permettent d’avoir un regard différent sur la réunion d’urgence des chefs d’États du 19 décembre 2024 à Yaoundé, au Cameroun, et offrent une meilleure compréhension du silence du Gabon ainsi que du léger agacement du ministre tchadien de l’Économie, lors de la réunion préparatoire des ministres, qui avait été ouverte à la presse camerounaise.
Au final, la Cemac a terminé 2024 avec un niveau de couverture par ses réserves de change inférieur à cinq mois d’importations. Cependant, sa position extérieure s’est améliorée, avec une balance des paiements sur les économies étrangères positive de 202 milliards de FCFA. Si l’on tient compte des arriérés de paiements et des remises de dettes, la totalité des réserves de change a augmenté de 455,1 milliards de FCFA.
Bien que des remboursements devront être effectués, les avoirs en devises logés dans le compte des opérations du Trésor public de France, dans le cadre des accords de coopération monétaire entre la Cemac et la France, garantissent que la banque centrale BEAC pourra en toucher les intérêts. Mais surtout, on note que le Tchad et le Gabon ont peut-être été sévèrement jugés par les opinions publiques.
I.L