Le Cameroun est un véritable sanctuaire de biodiversité. D’après Hélé Pierre, ministre de l’Environnement et du Développement Durable (Minepded) le pays compte plus de 11 000 espèces répertoriées, dont 9 000 espèces végétales, 849 espèces d’oiseaux, 409 mammifères, 285 reptiles et 183 amphibiens. A en croire le membre du gouvernement, cette richesse biologique constitue une ressource précieuse pour plusieurs industries notamment : pharmaceutique, cosmétique, agroalimentaire et biotechnologique. « À l’échelle mondiale, les ressources génétiques sont au cœur d’une économie florissante, notamment grâce à la découverte de molécules aux propriétés thérapeutiques révolutionnaires. Plus de 1 000 espèces camerounaises font actuellement l’objet de recherches dans des laboratoires internationaux, avec un fort potentiel de valorisation industrielle », a-t-il indiqué.
UN POTENTIEL ÉCONOMIQUE COLOSSAL
Hele Pierre cite en exemple le Prunus Africana, un arbre endémique du Mont Cameroun, dont l’écorce est utilisée pour fabriquer le Tadenan, un médicament contre la prostatite. Entre 2004 et 2010, la production annuelle était de 592 tonnes, vendues en moyenne à 600 F CFA le kilogramme, générant 355 millions de F CFA par an pour les producteurs locaux. Or, selon des études de marché réalisées en Europe, la transformation industrielle d’un kilogramme de cette écorce peut rapporter jusqu’à 500 000 F CFA, soit une valeur marchande totale de 300 milliards de FCFA pour 592 tonnes.
Le ministre est convaincu que si le Cameroun exploitait pleinement ce potentiel, en appliquant des mécanismes de partage des bénéfices inspirés du modèle brésilien (où l’État perçoit 1 % des revenus générés par la valorisation des ressources génétiques), jusqu’à 150 milliards de F CFA pourraient être injectés chaque année dans le Trésor public. « En émettant l’hypothèse que le bénéfice de ces entreprises est de 5% sur cette valeur marchande, cela correspondrait à un bénéfice net d’environ 15 milliards de. Si l’État captait 1 % de ces bénéfices, comme c’est le cas au Brésil, cela représenterait 150 millions de FCFA annuels. En extrapolant ce modèle aux 1.000 espèces camerounaises étudiées à l’étranger, le ministre estime que le pays pourrait générer jusqu’à 150 milliards de FCFA par an », projette-il.
ENCADREMENT ET INCITATIONS
Conscient de cette opportunité, le gouvernement camerounais met en place des mesures pour structurer le secteur et attirer les investisseurs. L’organisation du premier Forum national sur les ressources génétiques en est une. Cet événement visait à sensibiliser les parties prenantes (décideurs politiques, chercheurs, entreprises et communautés locales) à l’importance et au potentiel économique de ces ressources ; diffuser des connaissances sur les pratiques durables et les cadres législatifs, notamment en matière d’accès et de partage des avantages, conformément au Protocole de Nagoya ; Favoriser les partenariats entre l’État, les instituts de recherche et les acteurs privés pour une meilleure valorisation industrielle.
Pour rappel, le Protocole de Nagoya, adopté en 2010 sous l’égide de la Convention sur la diversité biologique, est un traité international qui encadre l’accès aux ressources génétiques et le partage équitable des bénéfices issus de leur exploitation. Il vise à éviter le pillage des ressources biologiques des pays en développement par les industries pharmaceutiques et cosmétiques étrangères, en garantissant des compensations aux États et aux communautés locales.
DES DÉFIS À RELEVER
Malgré son potentiel économique, la valorisation des ressources génétiques camerounaises se heurte encore à plusieurs obstacles, il s’agit notamment du manque de sensibilisation (de nombreuses communautés locales et entreprises ignorent encore l’importance et les opportunités offertes par ces ressources) ; l’insuffisance des infrastructures de recherche et de transformation (la majorité des espèces camerounaises exploitées à des fins industrielles sont étudiées et valorisées à l’étranger) ; l’absence d’un cadre réglementaire strictement appliqué (sans un encadrement rigoureux, la biopiraterie et l’exploitation illégale des ressources naturelles persistent).
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