Selon le ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, 200 000 hectares de terres ont déjà été sécurisés sur le corridor Yoko-Lena-Tibati, situé entre la région du Centre, dans la partie méridionale du Cameroun, et celle de l’Adamaoua, dans la partie septentrionale du pays. Paul Tasong, qui a révélé cette information lors de la défense du budget de l’Etat de l’exercice 2025 devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale, souligne que 200 000 hectares supplémentaires sont en voie de sécurisation. Ce qui fera au total une assiette foncière de 400 000 hectares à mettre à la disposition des opérateurs économiques intéressés par les investissements dans le secteur agricole.
En effet, dans le cadre de cette initiative gouvernementale présentée comme une composante du Projet intégré d’import-substitution agropastoral et halieutique (Piisah), apprend-on officiellement, il est question d’augmenter la production locale du riz, du maïs, du blé et bien d’autres cultures vivrières. Cela devrait contribuer à réduire les importations de céréales, notamment le riz et le blé, qui figurent parmi les principaux produits alourdissant la facture des denrées alimentaires importées par le Cameroun. En 2023, par exemple, le Cameroun a importé des céréales pour une valeur de 387,7 milliards de FCFA, selon les données révélées par l’Institut national de la statistique (INS). Sur cette facture, 200,8 milliards de FCFA (-24% en glissement annuel) représentaient le coût des importations du riz, contre 178,3 milliards de FCFA (-31,6%) pour les achats du blé rentrant dans la fabrication du pain, qui est l’une des denrées alimentaires les plus consommées au Cameroun.
À la faveur du projet de sécurisation de 400 000 hectares de terres dans la plaine centrale s’étendant de la région du Centre jusqu’à l’Adamaoua, le gouvernement camerounais ambitionne de réduire cette facture, en boostant notamment l’offre locale de plusieurs produits agricoles qui grèvent la balance commerciale du pays. « 90% de notre production proviennent des exploitations familiales. Mais aujourd’hui, avec la demande croissante des populations suite à la démographie galopante, suite à la demande des agro-industries et suite à la demande de l’élevage, de l’aquaculture, de l’élevage porcin et de l’aviculture, il faut passer à une autre dimension. Cette dimension nous impose de promouvoir l’émergence des moyennes et grandes exploitations agricoles avec un rendement élevé et une productivité avérée. C’est pour cela que, pour attirer les privés pour investir dans l’agriculture, nous avons jugé important de lever des verrous de la venue des privés dans l’agriculture, à savoir la mise à disposition des réserves foncières», explique Gabriel Mbairobe, le ministre de l’Agriculture.
En effet, alors que le pays croule sous le poids des déficits de production dans pratiquement tous les secteurs de l’activité agropastorale, dans un contexte de promotion de l’import-substitution, des projets d’envergure peinent à se matérialiser. À l’origine de ce phénomène, se trouvent souvent les conflits fonciers entre les promoteurs d’activités agro-industrielles et les populations, généralement soutenues par les ONG de défense de l’environnement.
L’une des dernières affaires en date est l’annulation, le 5 mai 2021, par le Premier ministre, Joseph Dion Ngute, d’un texte signé en 2016 par son prédécesseur, Philémon Yang, et portant constitution des réserves foncières sur plus de 66 000 hectares dans le département de la Vallée du Ntem, dans la région du Sud du pays. Cette annulation fait suite à la contestation, par les populations, d’un bail attribué sur 26 000 hectares de cette réserve, à la société Neo Industry. Cette entreprise comptait y développer des cacaoyères, dont la production était destinée à la transformation dans son usine de Kekém, dans la région de l’Ouest du pays.
Brice R. Mbodiam
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