La cérémonie liée au 42ème anniversaire du Renouveau a provoqué un déballage sans précédent dans la circonscription politique du Ndé Sud.
L’histoire des clans politiques dans le Ndé, c’est aussi vieux que le Renouveau. Les querelles sont telles qu’en dehors d’anciens frottements entre Niat et Tchouta Moussa, le clan du président du Sénat et la tumultueuse Ketcha Courtès aujourd’hui, les factions se reproduisent dans les arrondissements. La célébration des 42 ans du Renouveau, dans la localité de Tonga, mercredi dernier, a donné à voir une nouvelle séquence de la guerre fratricide que se livrent les baobabs locaux. La cérémonie était prévue pour démarrer à 13h. Elle connaîtra un retard grave, au démarrage, provoquant un mécontentement quasi-général des fêtards. Alors que Raphaël Désiré Bitchebe (président de la section), Dieudonné Bankoue (maire), Victor Mbemi Nyaknga (Dg Sonatrel) et Jean Claude Feutheu (député et riche homme d’affaires) ont tous été aperçus et même acclamés par leurs fans, se rendant au bureau du sous-préfet, juste à quelques mètres du lieu des cérémonies, personne ne descend. On pense à un difficile conciliabule, jusqu’à ce que quelqu’un, de manière pernicieuse, lance qu’« on attend les gens de Bangangté ».
« Bangangté ne doit plus nous commander », fulmine un autre. « L’esclavage-là n’est pas fini ? Je crois qu’il y a autonomie des sections », ajoute-t-il. La pression cuve. Le sous-préfet a-t-il convaincu son monde de faire la paix ? On le croit, au regard de la manière dont ils arrivent. Il est plus de 16h. Le protocole a prévu, afin que personne ne vienne attendre d’accueillir l’autre, qu’ils descendent tous à la fois, derrière le président de la section, dont on ne cesse de rappeler qu’il est « le chef politique » de la localité. Visiblement nerveux, Jean Claude Feutheu refuse la chaise qu’on lui a réservée, bouscule celle d’à côté et envoie chercher une autre, digne de son rang dans son véhicule. Le Sous-préfet sépare les coqs politiques. Bien avant, son équipe est venue faire certains réglages sur la disposition des chaises.
Il n’y a pas de trace du maire dans le programme. Mais il est là et ses fans exultent en le voyant évoluer. Après des excuses boudées au sujet du retard, l’impresario annonce que Dieudonné Bankoue va faire le premier discours. « Une césarienne », commente un ancien cadre local du Rdpc, habitué aux escarmouches. La foule exulte. De blanc vêtu, l’homme fonce vers le micro. Il s’attaque sans ménagement aux « diplômés en bavardage », qui ne font rien pour le progrès de la localité. « Le maire est la seule autorité ayant le droit de parler au nom des populations », enseigne-t-il, avant de revenir aux civilités. De manière assez curieuse, et au nom de la paix prônée par le président de leur parti, il lance une fleur à son adversaire, le député Jean Claude Feutheu, dont il cite quelques réalisations. Sans cependant décrisper l’atmosphère, toujours très tendue. Il annonce une cotisation personnelle de 1 400 000 Fcfa, alors que le programme prévoit le dévoilement des contributions à la fin de la cérémonie.
L’objectif inavoué semble être de tout faire pour perdre le temps. « Partout dans la République, les meetings sont terminés », lancent des militants, impatients. Invité à prendre la parole par la suite, le chef supérieur de Bandounga jette l’huile sur le feu. « Il ne faut plus parler de paix en cultivant un discours de haine », affirme-t-il. Il salue des dignes fils présents, mais ne cite ni le maire ni le député. Fustige les « mouvements de contestation inutiles » qui se sont multipliés depuis l’élection de Désiré Raphaël Bitchebe à la tête de la section du parti. « Le Rdpc a été ressuscité dans le Ndé Sud », a dit de manière provocante S.M. Ngapmou Fotchanda Louis, provoquant l’ire des anciens dirigeants. Raphaël Bitchebe est aux anges. Le chef traditionnel se met à danser en public. Le maire, le député sont embarrassés.
L’arrivée du préfet du Ndé, Auguste Essomba, offre une autre polémique. En fait, il accompagne l’ancien ministre Clobert Tchatat, le président de la délégation permanente départementale du comité central pour le Ndé, et sa seule vue donne des urticaires à certains. « Qu’ils ne prennent pas la parole ici », lancent des belliqueux. A son tour de discourir, le président de l’Ojrdpc, l’organe des jeunes du parti, raconte ses propres déconvenues, accuse les élites de « venir se faire célébrer au village au lieu de travailler pour le Président Biya ». « Les gens de Bangangté » doivent l’interrompre, parce qu’il provoque. Mbemi Nyaknga va embrayer sur la présence inattendue des invités de marque pour déclarer la beauté de la fête, puis inviter Paul Biya à briguer un nouveau mandat. « Tonga va voter à 100% », assure-t-il. Il est 18h12, lorsqu’on introduit l’émissaire du comité central. Alors qu’il est encore assis, les gens s’agitent. Des bandes de femmes mais aussi des hommes, se lèvent pour le bloquer. « Tu n’as rien à nous apprendre », lancent-ils. Les forces de l’ordre sont mobilisées pour sa sécurité. En langue locale, mais toujours sifflé, il les invite à la politesse. « Avec l’honorable Feutheu, les mêmes causes produisent les mêmes effets », balance-t-il en français à l’endroit de ses ennemis, qu’il accuse de le brocarder sur les réseaux sociaux. Il cite les réalisations du Renouveau dans sa localité, précise qu’il s’agit de la commune ayant la plus grande dotation budgétaire de la Région de l’Ouest en 2024. « Le maire sait en faire bon usage », ponctue-t-il sous les applaudissements de ses adversaires. La nuit continue de tomber. Il prend aussi le temps.
A la lecture des contributions, Mbemi Nyaknga est le plus gros, il a donné 2 millions Fcfa. Le président de la délégation permanente départementale va finir par prendre la parole. « Arrêtez le désordre ! », conseille Clobert Tchatat, de manière conciliante. Une motion est lue et les militants se mettent en route, pour la marche de soutien. L’on peut à peine remarquer son voisin. « C’est toujours comme ça ici chez nous. Mais cette fois-ci, on a exagéré », commenté un baron. Les invités sont conviés en pleine nuit à deux banquets. Le préfet et sa suite, feront le tour des deux.
S.M.