Par Henri Kouam, économiste & Directeur Exécutif Cameroon Economic Policy Institute (CEPI)
Introduction
La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) offre au Cameroun et à la région de l’Afrique centrale une occasion unique de se développer durablement, en stimulant le secteur de l’agro-transformation. Un développement axé sur l’agriculture est possible si les produits peuvent être transformés et leur durée de conservation prolongée. Bien qu’il soit peu probable que l’agriculture crée une croissance économique soutenue, la transformation des pommes de terre et du manioc en farine utilisée pour fabriquer du pain ou des tomates en conserve peut créer des opportunités pour les producteurs locaux.
Rappelons que le Cameroun a signé l’AfCFTA en 2018, ce qui permet aux producteurs locaux de vendre des produits à 53 autres pays africains sans payer de droits de douanes couteux. Cela a le potentiel de transformer l’agro-industrie au Cameroun Cet article montre comment le secteur agroalimentaire du Cameroun peut bénéficier de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), en stimulant la production créant ainsi des emploi.
Vue d’ensemble du secteur agricole camerounais
Le secteur agricole camerounais a subi diverses transformations depuis les années 1990, avec une baisse notable de sa contribution au PIB, qui est passée de 26,5 % en 1992 à 17,3 % en 2020. Cependant, la valeur globale du secteur agricole est passée de 3,18 milliards USD à 6,952 milliards USD au cours de la même période, ce qui indique une croissance de la production malgré une diminution quant à le PIB. Le secteur de l’agro-transformation ne se limite pas à l’agriculture, mais aussi à la pêche et aux produits forestiers. Cet article se concentre toutefois sur la transformation des produits agricoles et sur la manière dont la Zlecaf peut stimuler les exportations, en s’appuyant sur le rapport phare du CEPI sur le libre-échange.
Impacts positifs de la Zlecaf sur l’agro-industrie
Accès au marché de 1,2 milliard de consommateurs : La Zlecaf facilitera l’accès à un marché continental plus large, permettant aux agro-producteurs camerounais d’atteindre plus d’un milliard de consommateurs à travers l’Afrique. L’industrie alimentaire camerounaise est passée de 764 à plus de 2 564 entreprises, ce qui ouvre des nouvelles marche aux entreprises locales, d’augmenter leur production et leurs exportations grâce à la ZLECAF. Les grandes entreprises telles que Chococam, Panzani et La Pasta exportent déjà vers la sous-région CEMAC, mais elles ont la capacité et les moyens financiers d’exporter facilement à travers le continent. Pour les petits producteurs, la Zlecaf est important car la consommation des ménages est estimée à 70% du PIB sur le continent, ce qui crée un marché viable pour les tomates en conserve, le blé, la farine de manioc et de plantain, le vin et les produits laitiers. La ZLECAF réduit les barrières tarifaires et non-tarifaires.
2. La baisse des tarifs douaniers peut stimuler les exportations de produits transformés
La Zlecaf vise à abaisser les droits de douane sur les produits agricoles, ce qui devrait renforcer les flux commerciaux et réduire les coûts des intrants importés pour la transformation des produits agricoles. Les droits de douane seront éliminés sur 90 % des produits transformés en 5 ans et 10 ans pour les pays non moins développés et les pays moins développés respectivement. A ce jour, 45 pays ont déjà soumis des offres de concessions tarifaires dans le livre des tarifs douaniers. Cette réduction peut entrainera une baisse des prix pour les consommateurs et une augmentation de la demande de produits transformés localement, ce qui stimule la demande de produits agro-transformés en provenance du Cameroun. L’absence de droits d’importation sur l’ensemble du continent créera de nouveaux marchés et incitera les entreprises à exporter librement sur le continent. Des entreprises comme AFISA Food, qui se concentrent sur la production de farine de blé, se sont imposées comme des acteurs clés sur les marchés locaux et régionaux.
3. Amélioration de la facilitation des échanges
Les dispositions de la Zlecaf sont conçues pour rationaliser les procédures douanières et les normes règlementaires, ce qui profitera considérablement à l’agro-industrie en réduisant les délais et les coûts associés au commerce transfrontalier. Bien que les mesures de facilitation des échanges dépendent en partie de l’efficacité des douanes nationales, la Zlecaf permet la coopération entre les parties en matière de mesures sanitaires et phytosanitaires, ce qui garantira également que les produits camerounais répondent aux normes internationales, facilitant ainsi les possibilités d’exportation. La zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) comprend plusieurs mesures de facilitation des échanges, notamment
– eTariff book :Une plateforme numérique qui fournit des informations sur les tarifs et la classification des marchandises pour tous les commerçants.
– Mécanisme de barrière non tarifaire : Il permet aux négociants de signaler et de résoudre les obstacles non tarifaires, tels que l’excès de paperasserie ou la lourdeur des procédures douanières.
– Certificat d’origine de l’AfCFTA : Un certificat qui peut réduire les formalités douanières pour les commerçants informels.
– Harmonisation des exigences douanières : L’objectif est de réduire les coûts pour les opérateurs économiques en unifiant les régimes fiscaux et en harmonisant les exigences douanières.
– Reconnaissance des normes techniques et sanitaires : Une disposition qui facilite le commerce transfrontalier
– Facilitation du transit : Une disposition visant à faciliter le commerce transfrontalier
– Coopération douanière : Une disposition pour faciliter le commerce transfrontalier
4. Soutien aux petits exploitants agricoles
La Zlecaf a vu la création d’un fonds agricole spécial destiné à subventionner les petits agriculteurs, ce qui pourrait renforcer la capacité de production locale et garantir un approvisionnement régulier en matières premières pour les industries agro-alimentaires. Ce soutien est essentiel pour améliorer la productivité et la compétitivité du secteur. Par exemple, le manioc et le blé produits au Cameroun peuvent être utilisés par des entreprises telles que Flour Mills of Nigeria (FMN) et Olam Agri au Ghana pour fabriquer de la farine. Lorsque les agriculteurs sont certains de la demande pour leurs produits, cela stimule la production et le développement du secteur agro-alimentaire.
5. Le secteur agro-alimentaire créera de nouveaux emplois
Bien que la part du secteur manufacturier dans le PIB soit restée autour de 15 % depuis 2000, elle a diminué pour atteindre moins de 13 % en 2022. En 2022, 15,5 % des Camerounais etait employés dans le secteur manufacturier, contre 9,6 % en 2000. L’expansion des entreprises sur de nouveaux marchés à travers le continent génèrera une demande de nouveaux travailleurs qualifiés et non qualifiés, créant ainsi les conditions propices à une croissance économique durable et inclusive.
« L’étude du CEPI montre que si les exportations agricoles pourraient augmenter de 6,5 millions de dollars, l’investissement connaît une augmentation de 2,90 % et 1,60 % dans l’agriculture, de 4,30 % et 2,14 % dans l’industrie et de 2,57 % et 1,30 % dans les services, respectivement. Parallèlement, les bénéfices augmentent respectivement de 62,42 millions de dollars et 31,63 millions de dollars dans l’agriculture, 361,74 millions de dollars et 183,07 millions de dollars dans l’industrie et 1220,54 millions de dollars et 617,82 millions de dollars dans le secteur des services »
Conclusion
La zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) stimulera les exportations de produits agro-transformés tels que les pâtes, la farine, les tomates en conserve, etc. Cela sera dû à la baisse des droits de douane, à l’augmentation des investissements et à l’existence d’un marché important pour les producteurs locaux. Alors que les grandes entreprises manufacturières exportent déjà vers les pays de la sous-région d’Afrique centrale, la Zlecaf créera de nouvelles opportunités pour les petits producteurs dans toute une gamme de produits et augmentera les possibilités d’emploi pour les travailleurs qualifiés et non qualifiés. Ceci devrait accélère sont implémentation au Cameroun.
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