
Parmi les trois régions du Cameroun jouissant du statut de zones économiquement sinistrées (ZES), à savoir l’Extrême-Nord, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, la dernière région citée exerce un attrait plus prononcé sur les investisseurs. A en croire le ministre des Finances, qui s’est exprimé sur le sujet le 15 janvier 2025 à Buéa, la capitale régionale du Sud-Ouest, 50% des 33 projets d’investissements bénéficiant jusqu’ici des facilités fiscalo-douanières accompagnant le statut de ZES au Cameroun sont localisés dans cette région.
« La région du Sud-Ouest représente, à elle seule, plus de la moitié des investissements projetés, avec 17 entreprises concernées », révèle Louis Paul Motazé. Avant d’ajouter : « par ailleurs, 10 entreprises domiciliées dans le Sud-ouest ont été enregistrées dans le cadre de la loi du 3 avril 2013, relative à l’incitation à l’investissement privé, avec (à la clé) plusieurs facilités fiscales et douanières et la création de dizaines de milliers d’emplois ».
Cette préférence des opérateurs économiques attirés par les facilités accompagnant les ZES à privilégier l’investissement dans le Sud-Ouest peut s’expliquer. D’abord, à la différence du Nord-Ouest, qui est très peu industrialisé jusqu’ici, et de l’Extrême-Nord, qui est probablement la région la plus pauvre du Cameroun, les principales villes du Sud-Ouest (Buéa, Limbe, Kumba, Tiko, etc) bénéficient d’une proximité avec Douala, capitale régionale du Littoral et véritable poumon économique du pays. En effet, grâce à un réseau routier existant, il est aisé pour les investisseurs basés dans la Sud-Ouest de commercer avec Douala.
Ensuite, la région du Sud-Ouest est frontalière au Nigeria, grand partenaire commercial du Cameroun. Mieux lotie en infrastructures que la région de l’Extrême-Nord, par exemple, qui partage également une longue frontière avec ce grand voisin du Cameroun, la région du Sud-Ouest est reliée au marché nigérian par des routes modernes. Ce qui facilite davantage les échanges commerciaux.
Boko Haram
Enfin, il y a l’accès à la mer. En effet, en plus des infrastructures routières existantes, qui facilitent les échanges avec la région voisine du Littoral et le Nigeria, la région du Sud-Ouest est traversée par l’océan Atlantique et nombre de ses affluents. Ce qui permet à cette partie du Cameroun d’abriter une intense activité d’import-export par voie maritime vers le Nigeria, bien que celle-ci soit souvent informelle.
Du fait de cette position du Sud-Ouest par rapport à la mer, le gouvernement camerounais ambitionne d’ailleurs de construire un port en eau profonde dans la ville de Limbé. Cette infrastructure viendrait alors s’ajouter au terminal pétrolier de Cap Limboh, construit depuis des années pour permettre de ravitailler en pétrole brut la Société nationale de raffinage (Sonara).
Pour rappel, le statut de ZES a été attribué aux trois régions sus-mentionnées par décret du Premier ministre signé le 2 septembre 2019. Ce statut confère aux entreprises qui y investissent un régime d’imposition incitatif (exonération de la TVA sur les biens et services, de l’impôt sur les sociétés… pour des périodes allant de 3 à 10 ans), semblable à celui de la loi d’avril 2013 (révisée en 2017) portant incitation à l’investissement privé en République du Cameroun.
La région de l’Extrême-Nord doit ce statut d’imposition spécial aux attaques répétées des membres de la secte islamiste nigériane Boko Haram, dont les incursions meurtrières depuis 2013 ont pratiquement lessivé le maigre tissu économique de cette partie du Cameroun. Depuis fin 2016, les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest se sont quant à elle embrasées, suite à des revendications indépendantistes. Ce qui a transformé ces deux régions anglophones du Cameroun en théâtre d’affrontements entre l’armée régulière et les sécessionnistes anglophones.
Brice R. Mbodiam
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