Un match poussif à Kampala contre l’équipe nationale du Zimbabwe. Les Lions indomptables ont tout juste réussi à sauver la face contre une bien modeste sélection des Warriors. Globalement, Aboubakar Vincent et ses camarades s’en tirent plutôt bien au terme de cette première journée des éliminatoires de la CAN Maroc 2025. Une petite victoire 1-0 contre la Namibie et un nul, 0-0, contre le Zimbabwe.
Quatre points donc pour les Lions Indomptables à l’issue de cette première journée qui s’est déroulée dans cette atmosphère dantesque et devenue familière que leur impose depuis quelques mois la guerre de coqs que se livrent le ministère des Sports et la Fédération camerounaise de football.
Récit d’une semaine folle, marquée par l’entrée en jeu manquée du Premier ministre. Dion Ngute aura raté une belle occasion de tuer le match ou au moins d’inscrire un but décisif pour définitivement ramener les belligérants dans les rangs.
3 septembre 2024. Les Lions Indomptables viennent de finir leur première séance d’entrainement. Derrière les sourires, les rigolades et cette ambiance enjouée captée par les caméras de télévisions, se cache une réalité beaucoup plus cruelle : les hommes de Marc Brys travaillent dans des conditions spartiates. Les maillots qu’ils portent ont été hâtivement achetés à la sauvette, les équipements d’entrainement sont comptés. Bref le même scénario que celui de juin dernier lors de la troisième journée des éliminatoires de la Coupe du Monde 2026.
Mouelle Kombi au téléphone avec Aboubakar Vincent
Au-delà des problèmes d’équipements, les joueurs subissement un harcèlement en règles. Certains clubs les ont appelés pour leur suggérer de quitter la tanière après avoir reçu des lettres menaçantes venant de la Fécafoot. Cette persécution commence à affecter le moral du sélectionneur et à avoir raison de la patience d’Aboubakar Vincent et de ses coéquipiers.
Ils décident de rédiger un communiqué pour informer les Camerounais du drame qu’ils vivent en silence et aussi pour appeler à la fin de la crise. Dans le groupe, certains suggèrent une réunion qui devrait regrouper autour des Lions Indomptables le ministre des Sports et le président de la Fécafoot. Cette dernière idée, jugée saugrenue, est très vite abandonnée…
Dans le secret du vestiaire, quelques cadres de la sélection nationale se réunissent, arrêtent les grandes lignes du communiqué à publier. Le Team Press Officer des Lions Indomptables est sollicité pour la suite. Germain Noël Essengue décide de s’en ouvrir au ministre. Mouelle Kombi est contre cette idée. Il téléphone prestement au capitaine Aboubakar Vincent. Leur échange dure une trentaine de minutes. Le ministre ne réussit pas à convaincre le butteur des Lions Indomptables sur l’idée d’abandonner la rédaction de ce communiqué. Il faut dire qu’Aboubakar a le feu dans le derrière. Ses coéquipiers semblent déterminés à ne plus subir sans rien dire. « Ce communiqué va sortir », jurent les Lions.
Le Premier ministre vous cherche
Le ministre des Sports ne veut pas porter tout seul la charge de ce qui pourrait advenir avec ce communiqué dont il ne garantit pas les termes. Il s’en ouvre à sa hiérarchie ; les services du Premier ministre.
Yaoundé dort. Mais au Hilton ça bouillonne. Les téléphones chauffent. En plein milieu de la nuit, Autour de 23h, les Lions Indomptables sont informés qu’ils sont convoqués chez le Premier ministre le lendemain. On leur suggère d’aller d’abord rencontrer le PM et si par la suite ils souhaitent toujours publier leur fameux communiqué, libre à eux.
Pour la rencontre avec le Premier ministre, il est demandé que le capitaine se présente tout seul. Refus catégorique d’Aboubakar Vincent. Avec son vice-capitaine ? Niet, maintient-il. Pour lui, ce sera avec toute l’équipe ou personne. On prétexte qu’il n’y a pas assez de place chez Dion Ngute. « Débrouillez-vous », retorquent les Lions Indomptables qui redoutent qu’on brise la cohésion du groupe avec des réunions en aparté dont on ne connaît pas toujours ce qui s’y est réellement dit. Chacun sera témoin oculaire et orbiculaire de la scène.
Dans le bus qui les conduit chez le Premier ministre ce 4 septembre, chacun a le regard rivé sur son téléphone. La nouvelle de cette rencontre avec le chef du gouvernement est partout. Les joueurs ne ratent pas une seule miette du feuilleton qu’ils jouent malgré eux et qui alimente les réseaux sociaux depuis quelques jours.
L’État en brousse
Immeuble Etoile. Les Lions Indomptables sont à l’heure au rendez-vous. Le comité d’accueil est plutôt épuré. Le protocole suggère une fois de plus que seuls le capitaine et son adjoint aillent rencontrer Dion Ngute. Nouveau refus. Le capitaine, son adjoint et les cadres ? Non plus. Tout le monde ou personne. Ils finissent par être conduits dans une salle où doit se tenir la rencontre. Ils n’ont rien d’une équipe nationale en stage dans leur propre pays. Chacun est vêtu un peu n’importe comment. Aucun équipement uniforme. Les visages sont graves, les mines défaites par une longue nuit de tractations sans fin.
La réunion peut enfin commencer. Dion Ngute est accompagné de son secrétaire général, Séraphin Fouda. La parole est libre. Les joueurs s’expriment sans langue de bois. Ils évoquent leur mal être et surtout leur ras-le-bol. Ce d’autant que, disent-ils, le ministre des Sports leur avait promis, après les épreuves du match contre le Cap-Vert à Yaoundé et contre l’Angola en juin 2024, qu’une solution définitive serait trouvée. Mais le désordre est encore plus grave cette fois, déplorent-ils. Et un joueur de s’étonner devant le Premier ministre : « Finalement l’État sert à quoi ? »
Au sujet de la polémique sur le stade qui doit accueillir le match entre le Cameroun et la Namibie, le Premier ministre indique aux joueurs que le match se jouera à Garoua si la CAF le veut bien. Ce à quoi les joueurs ne s’opposent pas. Ils se disent prêts à jouer partout au Cameroun, que ce soit à Garoua ou à Yaoundé. Seul problème, le Premier ministre n’a pas – simple élégance – requis l’avis de l’ONIES pour en savoir un peu plus sur l’état de la pelouse de Roumdé Adjia… Il aurait dû…
Dion Ngute : je ne savais pas
Les joueurs insistent sur les conditions de préparations de leurs matchs qu’ils jugent simplement effroyables. « Monsieur le premier ministre. Ce n’est pas nous qui devrions être assis ici. C’est le président de la Fédération et le ministre. Nous avons un match à gagner et nous devons nous entraîner », s’indigne un joueur. Mouelle Kombi écoute sans piper mot. Samuel Eto’o est absent.
Les joueurs sont surpris quand Dion Ngute – sans rire – prétend qu’il n’était au courant de rien. Or la presse nationale et internationale, ainsi que les réseaux sociaux rendent rageusement compte de cette triste querelle entre la Fécafoot et le ministère des Sports depuis des jours. Le PM promet alors de convoquer un peu plus tard les belligérants pour définitivement régler le problème.
Aboubakar Vincent et ses coéquipiers trainent les pieds au moment de quitter l’immeuble Etoile. Ils sont déçus. Ils espéraient de la fermeté de la part du Premier ministre. Pour eux, cette réunion fut une perte de temps. Rien ne va changer, pensent-ils. Ils ont eu raison.
Marc Brys, je t’aurai !
Après une victoire difficile des Lions Indomptables 1-0 à Garoua contre la Namibie sur un véritable champ de patate et dans une chaleur suffocante, ils vont vivre un autre calvaire en Ouganda ; comme si on voulait chaque jour éprouver un peu plus leurs nerfs.
Ils affrontent les Warriors du Zimbabwe sans la moindre séance d’entrainement dans les jambes. Ils ont également été privé de l’adjoint de Marc Brys, contraint par la Fécafoot à regarder le match depuis les gradins. Le gardien André Onana s’est entraîné tout seul. Le score de 0-0 contre le Zimbabwe, est alors perçu comme un miracle pour une sélection à qui on a imposé un tel martyr.
En octobre prochain, les Lions Indomptables seront de nouveau sur le pont pour deux matchs contre le Kenya. Il faut s’attendre à un nouvel épisode de cette mauvaise série. Rien ne semble indiquer qu’une personnalité au Cameroun trouvera la force et le courage d’y mettre un terme pour sauver ce qui reste encore de l’image du pays.
Manifestement résigné, le gouvernement semble avoir acté l’idée selon laquelle le niveau de pourriture du Cameroun est tel qu’il n’y a plus rien à y faire. Alors, à qui mieux-mieux.
La Fécafoot de Samuel Eto’o, quant à elle, est décidée à faire tomber Marc Brys… à l’usure.
Jean-Bruno Tagne